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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

A PROPOS DE L’ABSTENTION

1 Juin 2014 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal Publié dans #Elections; vote; démocratie; abstention; évidences

S’abstenir de voter, voire voter blanc, serait hautement blâmable aux yeux de beaucoup. Le processus électoral serait un des garants de la démocratie.

Voilà une évidence qui mérite au moins une prudente réserve.

Ce qui va de soi requiert toujours quelque circonspection. Méfions-nous de ces logiciels sociaux qui structurent dangereusement les comportements et font que les choses sont ce qu’elles sont, parce qu’elles sont ainsi.

Ce qui renforce l’être dans son existant, pétition de principe, ou encore argument d’autorité, évidemment ne démontre rien.

J’ai appris dans ma prime jeunesse que les enfants ne parlent pas à table, que les grandes personnes sont des grandes personnes, les enfants des enfants, et qu’une jeune-fille est une jeune-fille. Plus tard, vêtu de kaki horizon (chacun avait alors ce navrant privilège), on a voulu me persuader qu’un ordre est un ordre, puisque c’est un ordre.

Vint l’époque où j’ai entendu que le vote est une des marques de la démocratie, et que nous sommes en démocratie puisque nous votons.

Ensemble de vérités révélées, assénées, indiscutables, car établies par la Vulgate.

Cependant, dès mon premier séjour en Inde j’ai réalisé que là-bas, contrairement aux évidences communément admises ici, une vache n’a rien à voir avec une promesse de steaks. J’en ai donc déduit que, bien que vénérée en Inde, sacrée même, une vache ne saurait nullement s’apparenter pour nous à la Vierge Marie. O tempora ! O mores !

Alors ?

Sommes-nous si certains de nos certitudes ?

"Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité au-deça des Pyrénées, erreur au-delà" remarquait déjà Pascal.

Mot à mot :

  • Election, du latin eligere choisir.
  • Elite, ceux qui sont choisis, les élus, le peuple élu, les élus du peuple.

Qu’a notamment apporté la Révolution, la Grande, sinon le remplacement d’une élite aristocratique héréditaire par une autre, élective et très attachée à devenir autoreproductible ? L’invention des « Droits de l’Homme » que l’on prétend LA marque de la France n’est sans doute qu’un accident dans l’Histoire de notre pays, qui n’a jamais durablement développé cette image. Un de ces nombreux objets trouvés du langage politique.

Qu’a fait d’autre la démocratie élective sinon de solidement installer une nouvelle élite à laquelle nous acceptons de déléguer nos pouvoirs pour la durée d’une mandature ? Servitude volontaire, quand tu nous tiens ! Au secours La Boétie !

Alors qu’à peine une élection se déroule-t-elle l’accent est mis aussitôt sur la prochaine échéance, que signifie accepter de déléguer pouvoirs et responsabilités à des mandataires dont le seul véritable souci est d’être réélu ?

Comme le souligne Alain Sagault dans une récente chronique de son blog (l’adresse figure dans les liens à partir de celui-ci), marketing, impostures et magouilles financières sont devenus la loi.

De Charybde en Scylla, de Cahuzac en Copé et consorts.

Où est désormais la politique, où discute-t-on des options fondamentales engageant l’avenir à moyen et long terme ? En quoi refuser de se prêter à ce maquillage habillant les apparences du masque cosmétique de la… démocratie (sic), serait-il blâmable ?

Ne sont-ce pas plutôt la plupart des votants qui, jouant le jeu d’une sorte de carte blanche conférée à des élus professionnels, s’abstiennent de leur responsabilité de citoyens en acceptant de se défausser de leur pouvoir ?

Et si par conséquent l’abstention était d’abord le fait d’électeurs arc-boutés sur le hochet d’élections récurrentes, devenues simple leurre ? En s’abstenant de toute contestation véritable, ils admettent de se laisser manipuler comme moutons de Panurge ?

Et si, de surcroît, voter c’était souvent s’abstenir de penser ?

De manière paradoxale, l’abstention n’est sans doute pas là où on la situe communément.

Que valent ces près de 57% de non-votants aux élections européennes ? A eux seuls ils forment une majorité. Leur abstention est-elle autre chose qu’une marque d’intransigeance face à l’enjeu, en même temps qu’un refus des minables dérives de la vie politique ? Ne pas accepter de jouer à un jeu dont les règles sont inconvenantes, ne veut surtout pas dire un désintérêt pour le jeu en général.

Tant qu’une remise en question fondamentale des pratiques et des procédures ne sera pas intervenue, il est clair que le refus de participer, le refus de se faire complice, est la seule attitude responsable qui vaille. Non pas abstention, mais boycott résolu.

La notion de moindre mal, par laquelle le mal est notoirement admis comme une constante incontournable, n’est que l’expression d’une démission.

Qu’advienne vite le temps d’une reprise en main, de l’élaboration de perspectives à long terme, claires et intelligibles, d’un remodelage d’institutions complètement moisies, pourries jusqu’à l’os ! Et alors, espérons-le, le vote reprendra des couleurs.

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J
Les élections ne font pas la démocratie à elles seules. Que de pays se disent "démocratiques" alors qu'ils sont livrés à des factieux, corrompus, dictateurs qui se cachent derrière ce paravent pour laisser libre cours à leur appétit de pouvoir et d'argent. Pourtant, l'élection - comme le rappelle Jean- est la capacité de choisir et de porter au pouvoir. Fondamentalement, il ne peut y avoir de démocratie sans élections. Plus clairement; les élections sont un élément nécessaire mais non suffisant pour parler de démocratie. L'autre composante de la démocratie sont à la fois les anti-pouvoirs ( oppositions, syndicats) , les libertés fondamentales ( presse, associations), les mouvements citoyens qui font valoir leur droit dans tous les domaines de la vie culturelle, professionnelle, éducative, les mouvements comme greenpeace, Ligue des droits de l'homme, RESF, etc...Là où cela est réprimé, interdit, alors vraiment il n'y a pas de démocratie, même s'il y a eu des élections. Dire condition nécessaire et non suffisante mériterait un développement. Mais je vais caricaturer ma pensée: le nécessaire, c'est les chiffres, le suffisant c'est les lettres. Qu'importe si les chiffres sont cabossés pourvu qu'il reste le verbe.
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A
S'abstenir de voter n'implique pas forcément, n'en déplaise aux censeurs pharisiens, se refuser à jouer sa partie dans le concert politico-social. Bien au contraire, c'est en démasquant l'imposture pseudo démocratique qui sert de légitimation à la confiscation du pouvoir par de prétendues élites que nous pourrons refonder la démocratie en actes et non plus en paroles, permettant ainsi aux initiatives individuelles et collectives qui commencent un peu partout à surgir de se développer dans un contexte favorable, au lieu d'être constamment entravées, voire interdites par tout le majestueux arc-en-ciel des ubiquistes formes de répression mises au point par nos si bienveillants gouvernements démocratiques : ô douce violence de la matraque communicationnelle, ô violence cyniquement abstraite du pouvoir financier, ô jouissif usage &quot;raisonné&quot; du taser, du canon à eau et des balles en caoutchouc !<br /> À quoi sert de voter quand le pouvoir peut à son gré défaire ce que le vote avait décidé ?<br /> Si nous n'avons pas le courage de nous révolter quand on nous méprise ouvertement, ayons au moins celui de ne pas nous prêter à une indigne mascarade…
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J
Merci, voici qui est joliment et très judicieusement dit !
M
Un québécois a écrit une belle chanson: Quand les hommes vivront d'amour, il n'y aura plus de misère et commenceront les beaux jours, mais nous, nous serons morts mon frère. Dans la grande scène de la vie.... <br /> Bref, cher cousin, chacun joue le rôle qu'il peut/veut. Dans certains pays, l'obligation de voter crée l'obligation de payer une amende pour les abstentionnistes. Ici au Canada, au Québec si vous préférez, et en France, on a le droit de s'abstenir. Churchill a dit que la démocratie est le moins mauvais choix. Pas d'illusions sur ce que ma grand-mère appelait l'hommerie. Les hommes sont bien imparfaits et créent pour eux-mêmes des sociétés imparfaites. Je vois dans mon cousin de beaux restes d'idéalisme farouche qui m'apportent un vent de fraîcheur. Reste jeune! <br /> Micheline
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K
j'ai voté pour une Europe qui est a plus de 5000 km d'ici !!!
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B
Nécessité absolue. Nous sommes certainement des millions, majoritaires sans aucun doute, à nous prononcer POUR l'Europe, mais sûrement pas telle qu'elle se présente actuellement.