D'un blogue à l'autre...
Mon excellent complice et néanmoins ami Alain Sagault vient de publier un papier fort judicieux sur son « Globe de l’homme moyen » (cf. Liens, colonne de droite).
Son aspect primesautier et mesuré, m’impose de le livrer sans réserve à quiconque voudra bien s’en saisir. JK
L’ÉLECTION PESTILENTIELLE
Par Alain Sagault
« Nous sommes entrés dans l’âge des conséquences », remarquait Winston Churchill.
Qui disait par ailleurs d’un capitaine de cavalerie qu’il était si bête que même ses camarades s’en étaient aperçus…
Des capitaines de cavalerie, le monde politique actuel en regorge, à commencer par l’actuel président, digne aboutissement d’une lignée de politiciens tarés qui suffit à elle seule à déconsidérer le désastreux régime présidentiel de la Ve République : un régime incomparable, qui réussit le prodige de ne donner aux citoyens que le pouvoir de choisir tous les cinq ans, entre des démagogues aussi malhonnêtes qu’incompétents, celui qui les cocufiera le plus abondamment et le plus insolemment.
Considérant les mérites tout particuliers dont ont fait preuve dans cet exercice scabreux les deux derniers occupants de ce trône méphitique, il semble qu’il ne serait que trop légitime de promouvoir l’un et l’autre de ces deux zozos au rang combien enviable de chef d’escadrons…
Quant aux conséquences de nos errements, qui ne se limitent hélas ni à l’hexagone franchouillard, ni à son ineffable système de gouvernance (j’emploie en toute connaissance de cause ce vocable, rendu ignoble par l’usage qu’en font les oligarques au pouvoir, car il correspond parfaitement au régime infantilisant conçu par un général de brigade cacochyme pour les veaux qu’il menait à l’abattoir nucléaire), nous commençons à les prendre en pleine figure.
Pestilentielle, oui, cette élection qui permet, que dis-je, qui récompense tous les mensonges, toutes les manipulations, toutes les tricheries, et qui dégrade la démocratie représentative en la réduisant à l’approbation obligatoire d’un président élu qui n’a de comptes à rendre que tous les cinq ans.
La Cinquième République pue depuis toujours, et à sa puanteur originelle de pouvoir quasi absolu et de corruption induite, elle ajoute depuis trente ans le remugle écœurant d’un cadavre en décomposition toujours plus avancée.
En témoigne l’invraisemblable actualité qui rassemble dans le même déshonneur et la même illégitimité l’actuel président et celui auquel il succède, l’un se prêtant à toutes les tricheries pour gagner une campagne, l’autre mentant comme un arracheur de dents pour se faire élire avant de renier sans aucune pudeur tous ses engagements en pratiquant une politique diamétralement contraire au programme soumis aux électeurs.
J’entendais l’autre jour l’actuel Sinistre de l’Intérieur, Bernard Cazenave, exiger le respect, allant jusqu’à proférer cette incroyable et perverse ânerie : « Je suis le Ministre du Respect ». Ce qu’oublie le premier flic de France, c’est qu’on n’obtient jamais que le respect qu’on mérite. « Exiger » le respect, c’est s’en avouer indigne. Le discours méprisant de ce grand argentier promu argousin en chef, loin de forcer le respect, était aussi méprisable que le comportement d’un président qui se dispense de respecter ses promesses de candidat.
Il serait temps que les politiciens apprennent enfin ce que les mots veulent dire, et que le premier pas vers une authentique démocratie consiste à dire ce qu’on fait et à faire ce qu’on dit, en bref à mettre en accord ses paroles et ses actes.
Impossible de respecter celui dont les actes contredisent les paroles ; les menteurs et les escrocs n’ont aucun droit à réclamer des citoyens un respect dont ils ne font pas preuve envers eux.
« Mon amie, c’est la finance, ma maîtresse, c’est la finance », voici ce qu’aurait dit le futur locataire de l’Élysée si sa langue n’avait pas malencontreusement fourché.
Car ses amis, ou plutôt ses maîtres, ceux dont il est l’esclave soumis et consentant, ce sont les financiers.
Qu’il rejoint dans la nullité. On ne lit pas L’Équipe tous les matins impunément…
Et ce n’est pas d’hier qu’on sait ce que valent les financiers.
« La dynamique de l’argent est étrangère aux financiers » écrivait André Suarès en 1905. Et il poursuivait :
"Ils n'ont aucune philosophie : ils n'ont aucune conscience. Comparer à César un de ces gueux d'esprit, il y a de quoi rire. Si, du moins, les Brutus pullulaient aux États-Unis. Ce serait peu que la finance fût sans entrailles, si elle avait une politique ; mais elle n'en a cure : elle vit au jour le jour, d'emprunts en emprunts, de bourse en bourse : elle est infiniment au-dessous des moyens dont elle dispose et des forces qu'elle détient. Plus on considère le monde moderne et le pouvoir de la finance, plus on mesure la médiocrité des financiers et la pauvreté de leur intelligence. Il faut être digne d'un grand pouvoir quand on le possède ; ou il dévore ceux qui l'usurpent. Une puissance dominante exige un esprit dominant. Un idéal est nécessaire, ici, comme dans tout le reste : l'idéal est une pensée qui ne se borne pas à l'heure et à l'intérêt présents. Si l'argent reste l'esclave avide et impudent qu'il est dans l'affranchi qu'il pourrait être, ou le monde le suppliciera pour le mettre à la raison ; ou le genre humain tombera dans la plus vile servitude avec ce mauvais maître. C'est la finance qui a perdu Rome, et la loi qu'elle a fait peser sur le monde d'un empire usurier."