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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

Tarte à la crème

15 Mars 2018 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal Publié dans #culture; culturel; tarte à la crème; Montaigne; Jean Vilar; Armand Gatti; Utopie, #Korzybski, sémantique générale

Holà, les mots vous êtes en grande souffrance, prenez garde à vous !

Culture, culturel, mots éculés, dénaturés, enveloppes vides prêtes à recevoir n’importe quoi. Tellement usés, râpés, démonétisés, qu’on ne sait plus de quoi on parle en les employant.

Mais, leur pitoyable mine, leurs guenilles, n’enlèvent rien à leur prestance, ils conservent la trompeuse allure des hidalgos ruinés.

Les prononcer, en persiller le discours, s’en gargariser à gorge déployée, confèrent une aura au moindre freluquet.

La pacotille verbale est un picotin recherché par qui est soucieux d’un bon profil.

Vive la tarte à la crème si appréciée de tout bateleur et autre éleveur de lieux communs.

Alfred Korzybski (sémantique générale) : Le mot n’est pas la chose. La carte n’est pas le territoire qu’elle représente.

 

- Pourquoi faudrait-il que la parole ait un sens ?

Rabat-joie que vous êtes, alors qu’on vous propose les jeux les plus divers !

Consommez et réjouissez-vous !

 

Il a suffi qu’un brillant provocateur bouscule la fourmilière en proclamant Tout est art pour que prolifère quelques décennies plus tard une multitude congénitale et permanente d’inventeurs de l’eau chaude. Pourquoi dès lors Tout ne serait-il pas aussi culture ?

Loi de l’érosion langagière, du rabotage mental, et de la banalisation récupératrice : Tout est dans tout, et réciproquement.

CQFD.

 

Capitale de la culture

Services culturels

Ministère de la culture (à vrai dire des Affaires culturelles)

Offices de la culture

Cultivons, cultivons

Encultivons-nous

Cuculture et tarte à la crème

Gai, gai,

Pirouette, cacahuète !

 

- Tout ceci est bien bon, mais qu’en est-il de la Culture ?

- Holà, Messire, vous me la baillez belle, de la Culture sans doute au mieux saurai-je dire ce qu’elle n’est pas...

 

Chacun sait depuis Montaigne qu’une tête bien pleine n’est pas nécessairement bien faite. (Le Dr Josef Mengele et ses petits camarades de jeu ont largement confirmé ce constat au délicieux XXe siècle.)

- Ce qui signifie que le Savoir ne saurait se confondre avec la Culture, qui serait développement des facultés intellectuelles d’une personne ou d’un ensemble sociétal. En ce sens il conviendrait de s’interroger sur les domaines considérés comme nécessaires au partage d’une vie aussi harmonieuse que possible. C’est-à-dire sur ce qui élève.

Il conviendrait dans le même temps de s’interroger sur la notion de culture de classe, qui relèverait davantage du maintien d'une tradition au sein d'une caste.

- Ce qui signifie de surcroit que recettes bien apprises et spécialisation professionnelle ne sont pas de l’ordre de la culture, mais de respectables pratiques opératoires particulières accédant parfois au stade de l’excellence.

 

Ainsi apparait clairement comme abus de langage, détournement et foutaise, ce Tout culturel qui voudrait récupérer les savoir-faire et les traditions artificiellement invoquées en les couvrant d’un badigeon hâtif, racoleur et invalidant. Outil efficace d’un enfumage obscène maintenant sous le boisseau le plus grand nombre.

Totalement insensé de prétendre qu’un feu d’artifice, une transhumance simulée, un match de football, des graffitis, la maitrise culinaire, s’apparentent au culturel. La tromperie sur le langage est évidemment une atteinte grave au respect de l’Autre. L’amorce d’un processus totalitaire méprisant.

 

Utopie, chantiers à venir :

- Il serait bon de cesser d’employer à tout propos ces chevilles émasculées, éviscérées : culture et culturel.

- Il serait bon de développer des activités consacrées à la rencontre des arts (et non des succédanés), en leur accordant une part significative dans les programmes d’enseignement, en soutenant et en valorisant publiquement les actions professionnelles et associatives  allant dans ce sens.

 

Jean Vilar et le  théâtre National Populaire, Armand Gatti, sa vie trépidante et son œuvre immense.

 

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A
Cher Jean ton texte que j’ai bien apprécié m’a remis en mémoire les dessins de Saül Steinberg, qui lui font à leur manière écho, par la façon si particulière de Steinberg de poser un trait, de questionner par son graphisme la culture et sa représentation.<br /> Tes mots souvent renvoient à des images qui se forment en silence dans la pensée. <br /> <br /> CULTURE<br /> <br /> Services culturels<br /> Ministère de la culture (à vrai dire des Affaires culturelles)<br /> Offices de la culture<br /> Cultivons, cultivons<br /> Encultivons-nous<br /> Cuculture et tarte à la crème
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M
Ma spécialité, c'est le côté de la plaque. Je réagirai donc encore une fois en vrac et à côté de la plaque. Je dirais que pour ma part, la culture dont je pourrais me réclamer, m'a été transmise par hasard ou par accident et plus tard par choix. Mais je pense personnellement que tout ce qui fait une plante a contribué à sa culture: le sol, l'air, l'eau et les soins reçus ou pas. Il me semble que plus on a de curiosité pour les hommes et leurs oeuvres plus on risque de se cultiver. Pour moi le mot doit être utilisable librement et quiconque décide de se l'approprier peut y aller gaiement. Quant aux ministères y consacrés, nous sommes dans le politique; quant au commerce, nous sommes dans l'économique. Les malheureux qui sont confinés dans des abris sous-terrains et qui souffrent du choléra au Yemen ou ailleurs ont moins accès que nous à Montréal ou à Marseille à la culture et aux cultures. Mais ils ont leur culture et s'ils survivent au drame, ils verront le monde et la suite de manière à se forger malgré eu leur propre culture. Ma conclusion hivernale: tout le monde est cultivé et la culture est partout comme l'entourage de la plante. Un grand tchao.
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