« Il n’y a plus d’après »[1]
Après suppose un état dépassé, donc en principe un retour à l’antérieur, le connu déjà pratiqué, parfois partiellement modifié.
Le calme après la tempête permet de faire l’inventaire des dégâts, puis de réparer, parfois en améliorant les conditions antérieures. Un temps fortement bousculée, la vie continue telle qu’en elle-même, les plaies sont pansées, l’oubli immédiat est à l’œuvre. Reconstruction, réparation, restauration (parfois avec un R)…
14-18 furent suivies des « année folles », les « trente glorieuses » succédèrent à 39-45.
Le nez à la vitre, la notion d’après tiendrait donc la route et serait un concept opératoire, de même que celui on ne peut plus flou de progrès. Progrès, terme liturgique dont on aimerait posséder une définition valable.
L’après est peut-être envisageable tant que le seuil du non-retour n’a pas été franchi.
Malgré les horreurs que l’on sait, s’est imposée l’illusion d’un rétablissement indéfiniment possible. Magie, incantation, exorcisme, scientisme, la panoplie est complète.
Au hasard des innombrable gâteries élaborées par nos industrieux apprentis sorciers, Tchernobyl et Fukushima, la pollution et le réchauffement climatique, la disparition de la biodiversité, l’immigration à grande échelle…
Une machine folle a été lancée, elle est désormais hors de contrôle. Processus démoniaque, l’accélération est fulgurante. Le seuil de non-retour est franchi, à coup sûr. La vie sur le caillou qui nous héberge est mise en question, au moins sous la forme que nous lui connaissons depuis nos origines. Le pire est possible, sinon certain. Quel destin pour nos descendants ? Le caillou en a vu d’autres, lui n’est pas en cause.
Retarder autant qu’il se peut le chaos final est probablement la seule possibilité qui nous demeure offerte. L’espèce est de par sa faute dans une situation de sauve-qui-peut généralisé. Il n’y a plus d’après sainement envisageable, seul un autrement radical pourrait encore peut-être influer sur l’inéluctable prévisible.
Face à cela, à quoi assistons-nous ?
Pour la majorité de ceux qui sont animés de la prétention de pouvoir diriger les nations, la permanence du mensonge, l’entretien du déni et de la fable auto réalisatrice, font florès.
Dépassés, en quasi-totalité responsables de la catastrophe issue de leur avidité, de leur aveuglement, de leur arrogance dogmatique, de leurs injonctions, sources d’incompétences terrifiantes fatales à toute capacité d’anticipation, ils se soucient uniquement d’effets d’annonce susceptibles de quelque crédibilité immédiate.
Gagner du temps, il leur faut gagner du temps, il leur faut éviter de rendre des comptes. Il importe avant tout de prolonger les courbes existantes. Les paroles s’envolent. Ce qui compte, c’est uniquement l’impression faite au moment. Ainsi, annoncer des décisions sans en préciser les modalités est essentiel. Il s’agit de suggérer, ne serait-ce que l’espace d’un instant, que la barre est tenue en main et que le nautonier est toujours à sa place.
Le spectacle est permanent. L’orchestre du Titanic joue à plein.
Vite ! Chacun à son poste, le temps n’est plus aux chamailleries !
« Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne »
[1] Guy Béart, pour Juliette Gréco