A quoi reconnait-on un système totalitaire ?
(Ces notes reposent en grande partie sur les constats établis par Hannah Arendt. Pour celle-ci, le totalitarisme est avant tout un mouvement, une dynamique de destruction de la réalité et des structures sociales, plus qu’un régime fixe. Dans une récente étude - août 2020 -, Arianne Bilheran a fait écho à Hannah Arendt.
Ce billet est composé à la manière d’un peintre qui s’inspire d’images d’autres pour réaliser la sienne.)
Un système totalitaire est essentiellement caractérisé par la mise en œuvre de quelques principes fondamentaux garants de son efficacité. L’exemple de l’URSS, comme celui des démocraties populaires, ont illustré la plasticité adaptative du concept de démocratie et sa grande compatibilité avec le totalitarisme, non exclusivement réservé aux dictatures patentées. Il semblerait que l’exigeante complexité du concept conduise la démocratie à demeurer à jamais au stade de l’utopie. Utopie dont nous avons cependant un permanent besoin pour persévérer.
Entretien de la peur pouvant aller jusqu’à la terreur
Les médias sont un excellent support pour y parvenir. L’uniformisation des informations, le recours à des données apparemment neutres, pseudo scientifiques, telles que statistiques non référées à des sources précises, vierges de tout contexte, l’effet de loupe porté sur des faits divers soigneusement choisis, l’organisation de débats de façade entre personnages prête-noms, la tenue à l’écart de tout questionnement véritable, contribuent à l’instauration et à l’entretien d’une anxiété généralisée.
Une soumission radicale des esprits est ainsi visée, avec une perte d’identité progressive pour corollaire. Une érosion mentale, un rabotage des esprits, s’installent.
Le tout est consolidé par une légalisation de la surveillance (caméras et contrôles divers rendus de plus en plus possibles avec le développement de l’informatique).
Désolidarisation et isolement
Le développement de la peur de l’autre grâce à des données statistiques anxiogènes, à la préconisation de gestes barrière, à des confinements, font que l’autre est réputé dangereux a priori. Cela peut aisément dériver vers la pratique de la délation, point d’orgue de la soumission à un pouvoir estimé incontournable.
On crée des isolats, lieux de rétention, confinement, quarantaine, quotas de participation, jauges de salles de spectacle, télétravail, propres à briser les groupes sociaux, et les divers sentiments d’appartenance liés à leur fréquentation. Les relations interpersonnelles sont bouleversées.
La répression se substitue allègement à la pédagogie. Les méthodes et processus d’enseignement sont brutalement renversés.
Discours paradoxal – dissimulation et perte de repères
L’incohérence des directives officielles, les contradictions, mensonges, ambiguïtés et sous-entendus, permettent de brouiller les cartes en permanence, et d’occulter toute identification de critères de réflexion. Les poly interprétations possibles sont un bon levain pour l’entretien d’une panique larvée parfaitement démobilisatrice.
Les valeurs anciennes sont déconsidérées, la prétendue nouveauté devient l’aurore de temps meilleurs, à venir un jour, après de nombreux efforts consentis pour le bien commun.
Bouc émissariat
A tout malheur collectif, il faut une explication claire, limpide, aisément appropriable.
Désigner un ou plusieurs boucs émissaires permet d’identifier le ou les responsables sur lesquels faire peser la charge de la responsabilité initiale, nécessairement étrangère aux actuels dirigeants uniquement mus par leur probité et leur volonté curative.
Au hasard et selon les besoins, les juifs, les musulmans, les déviants sexuels, les intellectuels, les contestataires de tout poil, les noirs, les immigrés, les sans-emploi, font parfaitement l’affaire. Leur altérité suffit à prouver le tort qu’ils infligent la société libérale avancée.
Culpabilisation et humiliation
Cette pratique complète avec bonheur celle du bouc émissariat.
A la peur entretenue et développée au sein de la population, correspond celle du pouvoir face au risque de désobéissance civile.
Un moyen efficace de pallier cet écueil consiste à désigner à l’opprobre public les mauvais citoyens manquant de zèle. Au Moyen-âge on vouait déjà au pilori les auteurs prétendus de méfaits…
Le régime stalinien était parvenu au stade suprême de la manœuvre avec l’usage raffiné de l’autocritique.
Infantilisation – perte d’autonomie et anonymat
Nous constatons que le pouvoir décide pour chacun, à la place de chacun.
Pour ce faire, il s’appuie sur des logiques particulières ayant valeur d’explication justificative. Au temps présent, la logique de l’expérimentation pseudo scientifique est largement employée. Elle possède le grand avantage de permettre l’emploi de l’argument d’autorité, grâce auquel la primauté de l’Eglise a tenu si longtemps.
Aujourd’hui l’Eglise se nomme pouvoir de l’Industrie médicale, c’est à dire des laboratoires.
Il s’agit d’une logique hors sol où l’humain n’a guère sa place. L’individu, minus habens auquel tout doit être dicté, mis en condition comme la chienne de Pavlov salivant au moindre stimulus, n’est plus qu’une chose, un machin disaient les nazis, à exploiter, à jeter ensuite dès qu’apparaissent des signes d’usure.
Panem et circenses, du pain, juste ce qu’i faut pour survivre, et des jeux (télévisuels) disait déjà César. La pensée est le domaine exclusif des dirigeants, l’admettre aux étages inférieurs de la pyramide c’est courir le risque d’une dangereuse fermentation difficilement contrôlable. Soumettons donc le vulgaire au décervelage de la simple exécution des directives et gardons-lui le hochet d’élections périodiques strictement encadrées par les barrières de sécurité de dispositifs législatifs mijotés aux petits oignons.
L’humain n’est qu’une ressource naturelle parmi tant d’autres. Bien que celle-ci soit renouvelable, le risque d’impuretés demeure toujours trop élevé, il serait donc bienséant de parvenir à s’en passer grâce à l’intelligence artificielle de robots experts.
Raison tranquille et banalité du mal vont de pair, disait à peu près Hannah Arendt.