Nous y sommes !
Ce papier mijotait au coin de mon clavier. Le hasard a fait que j’ai aperçu M. Edwy Plenel, le directeur de Médiapart, au détour de mon écran. J’ai repris ma préparation culinaire, et la voici bonne à servir. Reste à savoir comment les convives l’apprécieront.
Le temps n’est plus de nous demander ce qui va arriver, de nous interroger sur les catastrophes à venir. Elles sont là désormais, propres à entretenir un vent de panique absolument mortifère. Vent de panique illustré par l’incohérence des décisions et la stupidité de certaines déclarations officielles telles que, par exemple :
1 – M. le Ministre de l’Education Nationale déclarant à des élèves vers la fin septembre, « on vient à l’école vêtu de façon républicaine ». Qui saura décrypter le sens profond de cette affirmation pour la traduire en directive claire et appropriable par les intéressés ?
Le même, peu avare de ses efforts, a eu la bonne idée de faire lire aux élèves du second degré une lettre caviardée de Jean Jaurès, lors d’un hommage national au professeur assassiné avant les vacances de la Toussaint. Censurer un texte pour défendre la liberté d’expression, il faut y penser !
2 – M. le Ministre de l’Intérieur, solennel, « on cherche à combattre une idéologie, pas une religion ». Qui saura évaluer la subtilité de cette formulation pour en faire une défense efficace contre la discrimination galopante ?
3 – M. le Premier Ministre concluant une visite à Marseille par une lapalissade : « soulager l’hôpital, c’est ne pas tomber malade ». Gloria, l’eau chaude est réinventée ! M. Jourdain se surpasse, Molière est menacé !
4 – M. le Président de la République faisant des caricatures l’emblème de la liberté d’expression.
5 – La cacophonie gouvernementale autour de la mise en place des mesures accompagnant le second confinement : commerces de proximité et grandes surfaces, biens de nécessité première et autres, dispositions matérielles concernant les établissements d’enseignement, couvre-feu, etc.
Que sont ces catastrophes redoutées, désormais présentes en bloc, dont quelques drôles essaient encore vainement de masquer la conjonction ?
- Une catastrophe sécuritaire avec un terrorisme incontrôlable propre à faire basculer le pays dans la terreur. Cette sauvagerie terroriste est issue du croisement d’un aveuglement barbare avec d’inqualifiables amalgames entre islam et islamisme.
- Une catastrophe sanitaire non maîtrisable, facteur de panique et source de décisions aberrantes, sinon incohérentes, en grande partie dues à une stupéfiante impréparation.
- Une catastrophe écologique dont la réduction considérable de la banquise arctique témoigne de manière indiscutable.
- Une catastrophe sociale avec l’accroissement des disparités et les fractures qui les accompagnent.
- Une catastrophe démocratique avec la haine des libertés, le développement des mesures répressives et l’infantilisation généralisée.
Le tableau est terrifiant.
La libre pensée, la réflexion, la force nécessaire à l’action font de plus en plus défaut. Les médias ne sont plus d’aucun recours. Ils sont déconsidérés par leur servilité, ils ne font que recycler en permanence du déjà vu, du déjà dit, du pré conditionné, de la propagande. La manière dont l’opinion a été travaillée pendant les jours précédents l’intervention du Président annonçant le reconfinement est exemplaire à ce sujet. De légers suintements en légers suintements, la mise en condition fut digne d’un Etat totalitaire.
Le Pouvoir s’isole de plus en plus. Mensonges permanents (les masques, les tests…), confusions (confinement, déconfinement, couvre-feu, reconfinement), secret de l’entre soi entre décideurs et spécialistes experts de tous poils, état d’urgence, déni de la représentation parlementaire, absence dramatique de contre pouvoir, anéantissent toute hypothèse de concertation. L’aveuglement, la répression et la violence règnent.
Les terroristes voulant désintégrer l’Etat ne sont pas loin d’avoir gagné, de même que l’extrême droite partisane d’un Etat policier en lieu et place d’un Etat de droit. Le défaut d’alternative crédible sur la rive opposée leur laisse le champ libre. Merci aux apparatchiks de gauche englués dans leurs médiocres querelles !
La déliquescence est mondiale. La liberté de penser est partout pourchassée. Les Etats-Unis ont ouvert le ban avec le Patriot Act, après les attentats du 11 septembre 2001, et les interventions au Proche-Orient. L’élection de Trump en 2017 fut la cerise sur le gâteau.
Que nous reste-t-il ?
Résister, ne pas se soumettre, être vigilants, cultiver et développer le scepticisme à l’égard de tout ce qui nous est asséné, chercher à décrypter en permanence ce qui est vraiment dit, comment, par qui, dans quel but. Naguère la question était D’où parles-tu ? Il serait bon, urgent, d’y revenir.
Et puis aussi échanger, échanger avec nos semblables. Ecouter, décoder à plusieurs.
Dérisoire, vain, peu efficace ? C’est tout ce qu’il nous reste, allons-y sans retenue, le dernier carré se doit de tenir ! Tant qu’il en restera quelques-uns l’espoir (très affaibli) demeurera.