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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

Jeff Koons au Mucem

20 Juin 2021 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal Publié dans #Jeff Koons, Salvador Dali, Mucem, François Pinault, AOC

Une fois les limites dépassées, il n’y a plus de limite. L’Art Contemporain financier international d’Etat est invasif, après Versailles, le Mucem ! Bientôt le Vatican, les pyramides de Guizèh ou le site de Delphes ?

La confusion qui mène le monde conduit les musées à ne plus savoir ce qu’ils sont, ce qu’ils font. Lieux de conservation, d’entretien et de célébration d’une mémoire vive, au contraire de cénotaphes, ou bien lieux de consécration des vedettes éphémères du star system dont ils deviennent un des tiroirs caisses ?

Moderne précurseur, Salvador Dali, artiste qui n’avait que du talent,  a su donner la primauté à l’avidité financière. Aujourd’hui, l’Art financier Contemporain ne se soucie même plus de talent. Il sait par contre mobiliser nombre de Trissotins chargés de faire la claque pour clamer l’indiscutable valeur des pacotilles dont il inonde le marché, asphyxiant avec l’aide des institutions dites des affaires culturelles tout ce qu’il tient à l’écart. Ces triples sots moliéresques emploient souvent un langage pseudo intellectuel, pseudo savant, pour habiller leurs âneries.

AOC « quotidien d’idées, quotidien d’auteurs », qui « entend prendre de la hauteur en publiant des textes qui visent autant que possible à faire autorité et à structurer le débat», diffusé sur Internet, vient d’héberger une ébouriffante contribution d’un certain Thierry Grillet, directeur des affaires culturelles à la BNF, se présentant par ailleurs comme écrivain et essayiste. Sous un titre pompeusement racoleur, Ethnologie de l’art néo-pop, il s’agit de vanter les mérites de Jeff Koons à l’assaut du Mucem de Marseille.

Parcourons ce très délicieux apport à l’histoire et à la compréhension de l’art de notre temps. Dès les premières lignes l’auteur nous décoche un uppercut grâce à la confrontation de Bqlloon Dog et Travel Bar avec des objets de la collection du Musée. Le délire extatique nous prend aussitôt : « qui aurait imaginé que de telles rencontres, peut-être encore plus surréalistes que celle « fortuite sur une table de dissection d‘une machine à coudre et d’un parapluie » (Lautréamont en 1869) eussent pu avoir lieu ? »

Vient immédiatement ensuite la louange des collections Pinault et du rôle majeur qu’elles jouent dans la connaissance de l’art et des artistes. Il s’agit d’un rendez-vous entre une « star » première grandeur de l’art et une « multitude de fantômes aussi créatifs qu’inconnus » (sic). Le mot procédé échappe au passage. Il s’agit en effet bien de cela, un trucage, une manipulation, l’emploi d’un couteau suisse permettant la durabilité de l’effet de surprise qualifié de démarche artistique destinée à réformer la perception de visiteurs assoupis par un désolant conformisme (« Ce télescopage entre le goût d’un artiste pop et ces objets inattendus va-t-il nous laver les yeux… ? »). Le mépris à l’égard de l’existant apparait comme une valeur cardinale puisque louange est faite de l’artiste qui « se meut dans la collection et rassemble autour de chacune de ses œuvres des ensembles variés de pièces, sans considération pour leur place dans l’histoire technique et fonctionnelle de l’objet. » Nous voici ainsi revenus à la glorieuse période de la prédation coloniale.

Sans aucune crainte du ridicule, notre brillant essayiste va jusqu’à comparer la démarche d’un opportuniste cupide à celle d’un visionnaire : « Jeff Koons reproduit peut-être au Mucem, en chambre en quelque sorte, l’expérience qu’ont vécu Picasso et les peintres cubistes au début du XXe siècle lorsqu’ils ont « rencontré » ce qu’on appelait alors l’art nègre. » 

Suit un redoutable parallèle entre Georges-Henri Rivière, le fondateur de la collection des Arts et Traditions populaires, et François Pinault, glorieux mécène « qui collecte les œuvres d’artistes hors sol ». Cerise sur le gâteau, pour faire bonne mesure, le cuistre inscrit la démarche de François Pinault, personnalité bien sûr strictement passionnée par l’Art, dans le sillage de penseurs et d’artistes « de Marx à Debord, en passant par Perec, etc. ».

A ce moment du discours jaillit la révélation inattendue, folle, l’Eureka, l’épiphanie porteuse d’une lucidité imparable : « Jeff Koons ne nous suggère-t-il pas avec insistance que ce monde joyeux, autorisé en quelque sorte par la démocratie, pourrait lui aussi disparaître ? » Ouaouh ! Koons, Pinault,  le thuriféraire, et leurs semblables, veillent pour nous en dépit des errances de la démocratie!

Comme il ne saurait être question de finir sur ce constat pompeux, l’auteur nous gratifie in fine de remarques d’une pertinence confondante: « Sur les surfaces d’acier des œuvres parfaitement polies de l’artiste, c’est l’homme regardant qui se trouve réfléchi et présent dans l’objet. Que dire, pour finir, de tous ces objets gonflables qui inspirent tant l’artiste ? Ne conservent-ils donc pas précisément la partie la plus vitale, celle qui fait vivre les hommes – le souffle, c’est-à-dire l’esprit ?  Il faut être d'une servilité exemplaire pour se réjouir que dans les milieux officiels, quel qu'en soit le tropisme, la pensée ne soit plus que du vent.

(Etre écrivain et essayiste ne va pas de soi, n’est pas donné à tout le monde.)

Pour Koons et le Mucem, là aussi urgent de s’abstenir. Hygiène, distanciation, gestes barrière…

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A
Oui, cet article est supersot, mais AOC est tout de même un endroit intéressant, je m'y suis abonné !
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B
Merci pour cet acquiescement. Consternation à la lecture de cet article indigent, alors qu'AOC publie en général des textes intéressants. Interrompre mon abonnement me vint à l'esprit, mais un sursis temporaire fut accordé...