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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

L'art dans la cité, une nouvelle approche radicalement différente

9 Février 2014 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal

Faire art comme on fait société – les nouveaux commanditaires (avec un DVD présentant 9 réalisations emblématiques) - Ouvrage collectif - Les presses du réel, 2013, 32 €.

C’est une somme, 813 pages, 47 contributions provenant d’horizons divers, philosophie, littérature, histoire de l’art, sociologie, ethnologie, économie, anthropologie, philologie, critique d’art ! Il faut prendre l’ouvrage comme un livre de référence auquel on peut se reporter de temps à autre. C’est d’une part un ouvrage passionnant pour ce qui concerne l’histoire de l’art et des relations entre mécènes, clients et artistes (les pratiques médiévales, celles de la Renaissance et des périodes postérieures, sont fortement documentées). C’est aussi un manifeste en faveur d’une approche radicalement nouvelle du rapport entre le public et les artistes, notamment ceux qui œuvrent dans le champ de la commande publique.

J’ai déjà eu l’occasion de signaler sur ce blogue le dispositif très particulier des Nouveaux Commanditaires et les conséquences qu’il induit pour ce qui concerne la politique culturelle généralement en vigueur.

A partir du 19e siècle les avant-gardes artistiques ont prétendu réenchanter le monde pour le guérir de ses maux. Nous savons l’échec de cette volonté affichée, en fait une fausse piste. L’art contemporain s’est peu à peu coulé dans une image étriquée par le mercantilisme, la collusion avec les pouvoirs publics et la spectacularisation du scandale.

Le Protocole des Nouveaux Commanditaires propose la rupture des rapports verticaux habituels (quelques potentats décident souverainement pour le compte d’un public tenu à l’écart des décisions) au profit de rapports horizontaux (les intéressés concernés par l’aménagement public prennent l’initiative), totalement inusités jusqu’alors. Il s’agit de faire en sorte que l’artiste ne demeure pas un « héros solitaire » maudit ou incompris, et que les personnes les plus concernées deviennent actrices dans les processus de réflexion et de décision.

Pour que cela marche, il convient bien sûr d’éviter les verrouillages contractuels par l’établissement de moments d’égalité entre commanditaires et artistes. Ce qui suppose des relations fondées sur une confiance réciproque. La nouveauté permettant cette utopie réside dans l’invention de « médiateurs », clef de voûte entre les partenaires. Ces médiateurs sont issus des milieux de l’art. Agréés par la Fondation de France, ils possèdent une très réelle capacité d’écoute et de prise d’initiatives, la maîtrise technique, budgétaire et relationnelle leur est déléguée. La décision ne leur appartient en aucune façon. Ils sont accoucheurs-facilitateurs.

Gros avantage, la prétention du personnel politique est directement interpellée : il ne s’agit plus de discourir sans fin sur la démocratisation de l’art, il s’agit de prendre en compte les aspirations de la société quotidienne et citoyenne. Ce ne sont plus seulement les riches ou les détenteurs du pouvoir qui décident sans partage pour passer commande d’un œuvre publique à un artiste.

La conception de la création artistique en est bouleversée. Le groupe hétérogène des commanditaires constitue une communauté temporaire engageant un dialogue social sur un mode totalement rénové. Ce groupe se saisit de l’occasion qu’il s’approprie de formuler une demande de contribution artistique pour l’aménagement d’un espace publique collectif. Ce faisant, il donne sens à la demande. Décider de faire appel à un artiste, c’est vouloir obtenir autre chose que la réponse administrative stéréotypée d’aménagement public. C’est aussi lutter contre l’illettrisme artistique, ce qui revient à contrecarrer l’atrophie du sentiment civique, danger majeur pour la démocratie comme nous le constatons chaque jour.

Avec ce processus s’élabore un « scandale démocratique, quand monsieur tout le monde trouble la vie publique » (F. Hers). Un faire penser collectif produit un vivre collectif d’une communauté sociale réunie autour d’un projet.

Depuis vingt ans, plus de 300 œuvres ont été réalisées grâce à cette nouvelle approche. Le livre illustre des réalisations artistiques non seulement en France (Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté, Rhône-Alpes, PACA, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Auvergne, Limousin, Aquitaine, Poitou-Charentes, Centre, Pays de Loire, Bretagne, Basse et Haute-Normandie, Nord-Pas de Calais, Ile de France), mais aussi en Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Norvège, Pologne, Grande-Bretagne et en Suède. Plus de 300 œuvres ont été d’ores et déjà réalisées dans ce cadre.

L’idée originelle revient à un artiste photographe, François Hers, qui, parti d’une interrogation sur les moyens de sortir l’artiste contemporain de sa solitude face aux aléas du marché et se demandant comment insérer l’art dans la vie courante, a élaboré le Protocole des Nouveaux Commanditaires (ce « protocole » apparaît aujourd’hui comme son œuvre majeure) que la Fondation de France a décidé de mettre en œuvre en France et en Europe dès 1991.

A consulter : www.nouveauxcommanditaires.eu

Fondation de France, Comité culture, 40 avenue Hoche, 75008 Paris.

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