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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

Au fait, que dit Montaigne ?

11 Septembre 2016 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal Publié dans #Montaigne ; Vieillesse ; Lois ; Justice ;, #Langage ;Célébrité

Depuis l’adolescence Montaigne m’est peu à peu devenu un aimable compagnon de route. Il est l’un de mes référents préférés. J’éprouve une singulière affection à son endroit.

Un vieux pote, parfois une source d’inspiration, qui toujours incite à réfléchir, et souvent réconforte. Il est souvent de bon conseil. Indispensable aux moments difficiles.

Le fréquenter relève de l’hygiène la plus élémentaire. La langue qu’il pratique est un savoureux élixir.

L’ouverture d’esprit, la curiosité, l’acceptation de la différence, et l’esprit critique sont prothèses indispensables à une bonne santé mentale. De même que l’absence de volonté de prévaloir en toutes circonstances.

Avant toute chose, tenter de raison garder, nous dit-il à la suite d’Aristote.

Mort à 59 ans, Montaigne a vécu l’une des périodes les plus terribles qu’ait connues notre pays, celle des guerres de religion. Il ne s’est jamais dérobé, que ce soit au service du roi, du pays, ou de la paix (il aurait conseillé à Henri IV de se convertir au catholicisme pour ménager la paix civile). Il ne s’est pas refusé aux charges publiques, auxquelles il s’est soumis, sans les rechercher pour autant.

Il apparait comme un homme de culture, lucide, exigeant, fidèle à soi.

Montaigne notre évident contemporain.

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Quelques récents grappillages :

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Essais - Livre I - chapitre LVII - De l’âge

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Mourir n’est sans doute qu’une formalité bien ordinaire. Les occasions d’y parvenir sont si nombreuses, que mourir de vieillesse, c’est une mort rare, singulière et extraordinaire, et d’autant moins naturelle que les autres (...) mon opinion est de regarder que l’âge auquel nous sommes arrivés, c’est un âge auquel peu de gens arrivent.

Les misères personnelles dont l’usage de la vie s’accompagne ne sont pour la plupart que naturelles, banales, et somme toute très relatives, même si leur intensité est grande.

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Il se fonde sur l’exemple des anciens pour s’interroger sur le moment le plus propice pour renvoyer les hommes au séjour (le repos de la retraite). Je serais d’avis qu’on étandit notre vacation et occupation autant qu’on pourrait, pour la commodité publique ; mais je trouve la faute en l’autre côté, de ne nous embesogner pas assez tôt.

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Les belles actions humaines, dans le passé comme aujourd’hui, ont été produites avant l’âge de trente ans, et non après. Ne le puis-je pas dire en tout sûreté de celle de Hannibal, et de Scipion son grand adversaire ?

Que penser de notre monde où les gérontes se pressent aux commandes ?

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S’amenuiser est aussi banal que naturel. Il est possible qu’à ceux qui emploient bien le temps, la science et l’expérience croissent avec la vie, mais la vivacité la promptitude, la fermeté, et autres parties bien plus nôtres, plus importantes et essentielles, se fanissent et s’alanguissent.

Pourquoi déplorer alors que nous avons le privilège d’être arrivé là où nous sommes, que tant n’ont jamais atteint.

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Livre III – chapitre XIII – De l’expérience

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Nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ensemble (...) qu’ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers, et à y attacher cent mille lois ?

A l’époque se posaient déjà de très graves questions de sécurité, comme de relation à la religion...

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Pourquoi est-ce que notre langage commun, si aisé à tout autre usage, devient obscur et non intelligible en contrats et testaments (...) les princes de cet art, s’appliquant d’une particulière attention à trier des mots solennels et former des clauses artistes, ont tant poisé chaque syllabe, épluché si exactement chaque espèce de couture, que les voilà enfrasqués et embrouillés en l’infinité des figures et si menues partitions, qu’elles ne peuvent plus tomber sous aucun règlement et prescription ni aucune certaine intelligence.

La Communauté européenne et Bruxelles n’existaient pas encore.

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Il y a plus affaire à interpréter les interprétations qu’à interpréter les choses, et plus de livres sur les livres que sur autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser.

Rentrée littéraire, marchandisation de la culture, et « littérature » politique.

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Considérez la forme de cette justice qui nous régit : c’est un vrai témoignage de l’humaine imbécillité, tant il y a de contradiction et d’erreur.

Cherchons la différence !

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Si les puissants et les importants se donnent en représentation, cela n’entame en rien le caractère qu’il a choisi de donner à son existence.

Les Rois et les philosophes fientent, et les dames aussi. Les vies publiques doivent à la cérémonie, la mienne, obscure et privée, jouit de toute dispense naturelle. (...) Il n’est rien si beau et légitime que de faire bien l’homme. (...) A l’homme de conduire l’homme selon sa condition.

Si nous avons beau monter sur des échasses, car sur des échasses encore faut-il marcher de nos jambes. Et au plus élevé trône du monde si ne sommes assis que sur notre cul.

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En bon stoïcien, parvenons à nous désencombrer et à accepter les choses telles qu’elles sont : Nous sommes pour vieillir, pour affaiblir, pour être malades, en dépit de toute médecine (...) Il faut apprendre à souffrir ce qu’on ne peut éviter (...) nature nous a prêté la douleur pour l’honneur et service de la volupté et indolence.

Le mal dont il souffre (la gravelle) vous laisse l’entendement et la volonté à votre disposition... elle vous éveille plutôt qu’elle ne vous assoupit.

Toute difficulté apporte à qui sait le reconnaître.

Pourquoi s’inquiéter outre mesure de l’avenir corporel immédiat ? Je serai assez à temps à sentir le mal, sans l’allonger par le mal de la peur.

Savoir jouir du moment présent : Quand je dance, je dance ; quand je dors, je dors ; voire et quand je me promène solitairement en un beau verger, si mes pensées se sont entretenues des occurrences étrangères quelque partie du temps, quelque autre partie je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude et à moi. (...) A mesure que la possession du vivre est plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine.

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C’est plutôt en témoin qu’en maître à penser qu’il souhaite apparaitre : cette fricassée que je barbouille ici n’est qu’un registre des expériences de ma vie.

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Les mois à venir risquent fort de nous rendre Montaigne encore plus indispensable. Raison pour nous en équiper.

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M
"Là où je suis, la mort n'est pas. Là où elle est, je ne suis pas" Montaigne<br /> Je sais, je suis en retard, mais cette phrase que je ressasse depuis longtemps est pleine d'une sagesse qui me fait totalement défaut. Mais je continuerai à la ressasser en assumant mes gestes absurde du quotidien, jusqu'au bout. J'espère (Et désespère parfois comme tout le monde) "Quoi d'autre ?"
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