Brèves (8)
Accommoder
Accommoder une sauce revient à la rallonger en l’aménageant.
Aménager par une nouvelle mise en forme – une réforme – est le plus sûr moyen de faire durer l’existant au plus près de son origine et de son identité.
C’est ainsi que la Réforme désigne l’Eglise protestante perpétuant le christianisme.
Au fil du temps
Alors que passent les années, rien ne change, seulement ça et là quelques disparitions de ce qui fut considéré indispensable ; inutile de s’affliger de la marche du temps, la nostalgie n’est pas de mise, gardons-nous en, elle nous empêcherait de considérer avec toute l’efficacité critique nécessaire ce qui dans le présent est parfois regrettable.
Et si nous nous demandions face à chaque nouveauté technologique de quoi elle risque de nous priver, de quelle part de nous-mêmes elle tente de nous amputer, ou bien au contraire quelle part de nouveau insoupçonné elle pourrait solliciter en nous ?
Renoncer à l’imbécillité ambiante commencerait par un sevrage sélectif de radiovision, donc diminution progressive mais radicale d’ingestion des caquetages, radotages et bêlements artificiels, parfois prétentieusement indicés culturels, propres à l’élevage intensif de crétins satisfaits de leur soumission à une constante perfusion anesthésiante.
Malgré l’incontestable faillite de ses faux calculs, de ses prévisions et de ses préconisations erronées, le discours économique domestique les individus plus sûrement que les utopies totalitaires du siècle passé, qui ne tenaient aucun compte des hommes. Ce galimatias est beaucoup plus insidieux car il attente d’abord à l’esprit.
Les corps devenus dociles se rendent d’eux-mêmes grâce à la puissance uniformisatrice de la mode et des marques. Beaucoup moins besoin de schlagues et de matraques, l’économie est plus efficace, elle dissout l’individu dans une soupe globale totalement allégée de la notion de solidarité.
Commentaires
Grâces soient rendues à ma note de lecture sur le Petite Poucette de Michel Serres. Que ce séducteur juvénile de 80 printemps suscite des réactions ne peut que me plaire, mais aussi m’inquiéter. Je remarque en effet que les agitateurs d’idées les plus discutés sont pour la plupart loin d’être des perdreaux de l’année. Outre Michel Serres, je pense à Edgar Morin et à Stéphane Hessel. Où est vraiment la relève ? J’espère que personne n’aura le front de me parler de Michel Onfray, encore moins de Bernard-Henri Lévy ou d’Alain Finkielkraut.
Parmi les lecteurs fidèles de ces Epistoles improbables, l’un tire à boulets rouges sur Michel Serres. A boulets tellement rouges qu’ils arrivent fondus à destination. La controverse, oui absolument, mais la véhémence polémique, non ; sachons laisser cela aux échotiers du Figaro sans tomber tête baissée dans leurs ornières. Serres est mondain, parfois vain, sans doute, je n’en persiste pas moins à apprécier son côté vibrionnant de mouche du coche et d’enfonceur de portes tellement ouvertes qu’on finit par en oublier l’existence.
Il n’aborde pas la question de l’art comme le remarque dans Télérama Olivier Céna, relayé par un artiste ami s’interrogeant avec raison sur l’impact réel dans ce domaine des nouvelles technologies. Il a parfaitement raison. Jamais l’apparition de techniques nouvelles n’a immédiatement modifié la création artistique, elle en a simplement bousculé l’expression et la pratique. Pensons notamment à la peinture à l’huile, à l’apparition de la notion de perspective, au conditionnement des couleurs en tubes, à l’émergence de la photographie, à celle des techniques audio-visuelles ou électro-acoustiques. Si l’expression artistique évolue en fonction des évolutions sociotechniques, qu’elle intègre jusqu’à les digérer, la fonction de poinçonnage du réel par l’art est atemporelle.
Noël
Combien étranges ces regards fixés sur l’enfant qui ne sait par où commencer le déballage des paquets de tous formats accumoncellés devant lui. Au grand dam des adultes comparables à des escargots qui dégorgent leurs cadeaux rivaux, il finira par ne s’intéresser qu’au plus dérisoire des objets peu à peu révélés.
Souvenirs de Noëls ailleurs : Ecosse Edimbourg, une party chez des musiciens de jazz où chacun apportait sa bouteille pour des mélanges détonants bière whisky ; Egypte Le Caire, une fête arménienne tout à fait inattendue, sur fond de conflit avec Israël ; en route pour l’Inde, attente interminable dans un hôtel parisien après annulation d’un vol ; Inde encore à plusieurs reprises, entre autres un long déplacement en bus chaotique et une réception dans une famille bling-bling du Kerala ; Angleterre du côté de Cambridge, un séjour très chaleureux chez un couple depuis longtemps hélas perdu de vue ; Népal, une crémation aux alentours de Katmandou le jour anniversaire de La Naissance Mirobolante, puis fumette déroutante dans un temple ; Afrique du Sud Cape Town, table ouverte à tout un chacun sur fond de libération imminente de Nelson Mandela, partout des sapins de Noël en plein été ; Italie Bari, dans une famille des Pouilles, arrivée d’un Père Noël terrifiant le plus jeune des enfants ; en mer, rien, quelque part entre Egypte et Algérie sur un méchant rafiot ; Sénégal Saint-Louis, passage express par l’insupportable messe de minuit sur fond de « Morts pour la Patrie » 14/18 et 39/45 ; Mexique Oaxaca, fiesta de los rabanos (fête des navets) et intervention surprise des Mariachi au restaurant ; Grèce Delphes, la neige sur la Tholos, personne d’autre sur le site, magique ; ski de fond dans le Queyras ou dans les Pyrénées, ainsi qu’au Canada Montréal, en famille, neige et froid comme dans les récits de voyage dont il fallait vérifier la véracité.
Perfusion
Vaccins préventifs du risque viral de diffusion de la pensée :
- les magazines de salles d’attente avec leurs images de bonheurs colorés légendés de mots simples à comprendre ;
- la musique d’ascenseur ou de supermarché prête à injecter à domicile ;
- la radiovision, surtout avec ses journaux et ses divertissements.
Qu’en termes galants…
Juif, youtre, youpin, niaquoué, bougnoule, fellouze, crouillat, raton, arbi, melon, homo, pédale, tapette, pédé, gay, négro, black, islamiste, racaille, terroriste, etc.
Vive le Christ Roi !
Rénovation urbaine
Plans d’occupation des sols, règles de construction et programmes d’urbanisme, engendrent des tumeurs métropolitaines à l’origine des métastases que sont les infrastructures routières et aéroportuaires.
Les bactéries humaines fermentent et s’entassent se croyant à l’abri des dangers potentiels d’une nature de plus en plus technicisée, une techno nature. Elles sont en fait sous le contrôle permanent des deux pinces du pouvoir cancérisé que sont les dealers et les CRS.
Rompre
Exercice très difficile à réussir. Nécessite une très forte détermination, ce qui n’est généralement pas le propre des politiques.
Mourir pour des idées chantait Brassens. Oui, à condition de prendre son temps, rien ne presse.
Les maîtres à penser jouissent de la longévité, mises à part des situations extrêmes.
Vœux
Que faire de tous ces vœux qui se répètent d’année en année, inutiles, bavards et aussi creux que de vieux radis fibreux ? Bonheur, prospérité, santé, des mots pour ne rien dire, du bavardage, des mots en solde.
Une occasion de faire signe à ceux que l’on a un peu trop tendance à négliger ? Sans doute, mais il devrait y avoir bien d’autres occasions tout au long de l’année.
La presse nous indique que le Pape prie pour la paix en Syrie, voilà qui est autrement efficace que l’attentisme critique des gouvernants de tous bords. Pourquoi l’ONU ne siège-t-elle pas au Vatican ?
Dans le cadre de l’aide au logement, la prison des Baumettes à Marseille va être dératisée. Qu’aurait tiré Jean Genet de cette nouvelle sensationnelle ? Marseille promue Capitale européenne de la Culture en cette année 2013. Qu’aurait tiré Pagnol de cette fatrasie ?
Significatif et rassurant, on nous précise que le Président est au travail, que les ministres ne prennent pas de vacances.
Nous avons la chance d’être en de bonnes mains. Honnis soient les forcenés qui se permettraient d’en douter.