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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

Comment la pensée se fait-elle enchaîner. Méfions nous !

6 Septembre 2013 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal Publié dans #Etats-Unis - Aliénation - Conditionnement - Manipulation - Religion

Susan George – La pensée enchaînée (comment les droites laïque et religieuse se sont emparées de l’Amérique) – (Fayard éd. 2007, 315 p., 20,90 €)

L’essayiste franco américaine Susan George est surtout connue comme militante altermondialiste et présidente d’honneur d’Attac-France (Association pour la Taxation des Transactions financières et l’Action Citoyenne). Elle nous propose ici un livre au contenu si décapant, si impitoyable et si effrayant, qu’il ne peut que susciter le hourvari chez les esprits éclairés et bien-pensants effrayés par la vulgarité de la réalité.

Excellente raison pour tenter d’en rendre compte.

L’auteur n’établit jamais d’analogie avec ce qui se met en place chez nous avec une redoutable opiniâtreté; pour qui est un peu attentif des parallèles s’imposent à l’évidence, que l’on porte le regard à « droite », comme à « gauche ». Simple question de nuances, terrifiante préfiguration…

Écrit à la fin des années Bush, cet ouvrage est le fruit d’une enquête minutieuse, fort documentée, au cœur de la société étasunienne dont il met en lumière les aspects les plus insensés et les plus monstrueux, constitués en modèle à vocation universelle :

  • mise en place patiente et redoutablement efficace par les lobbies de l’hégémonie culturelle des forces les plus régressives qui se puissent imaginer ;
  • politique étrangère impérialiste et primauté du militarisme belliqueux ;
  • phagocytage des institutions par une droite religieuse obscurantiste et fanatique ;
  • assaut contre le savoir et les connaissances les plus établies, confusion entretenue entre prêche et enseignement.

Des notations partielles au fil des pages :

1 – La fabrication du bon sens

Les marchés et l’entreprise privée sont garants d’efficacité économique, le libre échange est in fine ce qui est le plus avantageux, une fiscalité allégée pour les riches garantit la prospérité de tous, les inégalités sont une donnée fondamentale incontournable, capitalisme et démocratie vont de pair, les pauvres doivent d’abord s’en prendre à eux-mêmes, la puissance militaire assure la sécurité nationale, il appartient aux États-Unis de promouvoir le libre marché et la démocratie dans le reste du monde, tels sont à peu près les « évidences » sur lesquelles se fonde le credo du « bon sens » étasunien actuel.

« Le souverain n’est ni un État … ni le peuple, mais le marché … la liberté économique supplante toutes les autres formes de liberté (…) En attribuant le rôle suprême à la liberté économique … ils ont choisi la voie qui conduit à la concentration des droits entre les mains (de) la minorité des riches, qui sont donc aussi les puissants. »

La période la plus récente de l’histoire de l’Amérique (et par conséquent du monde) correspond à la propension aux interventions militaires, ainsi qu’à l’accroissement permanent des budgets correspondants.

La volonté de diminuer les impôts et les interventions de l’État conduit à sous-traiter les services publics (y compris l’enseignement et le secteur médical) à des entreprises privées pour lesquelles, bien entendu, le profit immédiat est le critère dominant. (La tendance à suivre ce modèle est déjà bien implantée chez nous aussi.)

Dans le domaine de la politique étrangère, l’interventionnisme est la règle, et les institutions internationales sont tenues pour négligeables. La défense sans réserve de l’État d’Israël tient à ce qu’il constitue une sorte d’avant-poste US au Moyen-Orient.

Tout ce qui concerne l’individu, sexualité, égalité raciale, droits des femmes, droits civiques, possession d’armes à feu, fait l’objet d’une très vigilante attention de la part des néoconservateurs engagés dans une croisade politique, culturelle, morale et religieuse prêchant le retour à des valeurs d’autres temps.

Reagan a marqué l’entrée définitive en territoire néolibéral/néoconservateur, c'est-à-dire le rapt d’une pensée économique et sociale auquel les modérés n’ont pas suffisamment pris garde. Le décalage dramatique de leur prise de conscience et leur passivité ont permis aux forces les plus rétrogrades de conquérir des positions quasi inexpugnables. Le pouvoir financier de l’extrême droite traditionaliste est assis sur un grand nombre de Fondations distribuant bourses et prix à des individus ou à des universités ainsi placés sous contrôle. Les Think tanks (groupes de réflexion) alimentent des réserves d’experts de tout poil, présents partout, notamment dans l’enseignement supérieur, mobilisables en permanence pour donner le La à tout propos : presse, édition, TV, les invitent en permanence (il en est de même chez nous, ce qui rend notamment la télé irregardable). Cette droite extrême investit à long terme dans les esprits et les intelligences. Elle prend son temps pour pousser ses pions avec beaucoup de subtilité, tandis que la pensée progressiste demeure timorée, à courte vue, sensible à la moindre critique, ce qui bien sûr la fragilise et la rend quasi inaudible.

Les valeurs traditionnelles, libre entreprise, défense nationale forte, rigorisme religieux, fondent la stratégie politique dominante pour laquelle le mot « réforme » est toujours synonyme d’abrogation, abolition, démantèlement ou privatisation.

Reagan, Bush senior, Clinton et Bush junior, ont patiemment couvert la mise en pièces les principes fondamentaux de la Constitution, jusqu’à déclarer obsolètes les conventions de Genève et à justifier la torture.

2 – Affaires étrangères :

Une vision manichéenne, bon ou mauvais, fonde la réflexion sur les questions internationales. Le simplisme d’une telle position a quelque chose d’atterrant.

Le pétrole justifie la fascination pour le Moyen-Orient et la volonté aveugle d’y imposer l’idéologie US, Israël étant bien sûr considéré comme l’avant-poste de la démocratie dans la région, ce qui justifie l’énorme soutien financier accordé à cet État.

La disparition du communisme en tant que force géopolitique a conduit à trouver de nouveaux prétextes et de nouveaux concepts pour légitimer le bellicisme hégémonique : guerre préventive, États voyous, exportation de la démocratie, guerre globale contre le terrorisme.

Le commerce international apparaît comme un outil de choix pour obliger les nations à s’aligner sur la politique américaine. La mondialisation n’est qu’une astuce langagière pour masquer l’impérialisme des EU. (Et pendant ce temps l’Europe de Bruxelles discutaille et se soumet au diktat…)

Le refus ancien et persistant de reconnaître les lois internationales et la volonté d’imposer les siennes propres va de pair avec ces positions.

La Banque mondiale, le FMI et l’OMC peuvent à juste titre être assimilés à de super ministères US.

3 – La droite religieuse et sa longue marche à travers les institutions

Dès les années 50, le président Eisenhower, cédant à un puissant lobby catholique, a accepté que Dieu soit introduit dans le serment d’allégeance prononcé chaque matin par les écoliers du primaire. Ainsi se sont trouvés amalgamés patriotisme et religion, source d’une lamentable et dangereuse confusion.

Avec Bush junior la substitution d’une théocratie à la démocratie a franchi un pas décisif. Le fondamentalisme chrétien claironné par ce dangereux ignare signe une hallucinante régression de l’esprit.

« Pourquoi cet homme est-il à la Maison Blanche, s’est interrogé un prédicateur dans une réunion de fidèles ? … Il est à la Maison Blanche parce que Dieu, l’a voulu là à une époque comme la nôtre. » Cette époque est évidemment caractérisée par la nécessaire bataille contre les musulmans que l’on ne peut combattre qu’au nom de Jésus.

Nombreux sont les étasuniens pour lesquels la Bible l’emporte sur le gouvernement démocratique et la Constitution elle-même. Nous sommes de plein pied dans le fanatisme religieux que l’on dénonce chez les extrémistes musulmans auxquels on reproche couramment de faire du Coran une référence opposable aux lois d’un État.

Si les modes d’expression diffèrent, les résultats sont identiques, esprit de croisade, intolérance, mépris, sont en facteurs communs. Les uns et les autres peuvent être renvoyés dos à dos.

Parole de Dieu, chaque mot de la Bible est littéralement vrai… Terrifiante exaspération d’un obscurantisme borné qui inspire la majorité des esprits du Parti républicain ! Il faut savoir que George W. Bush a nommé à vie de nombreux juges tant à la Cour suprême que dans des Cours fédérales. Avec la mise sous tutelle durable d’une partie de la justice, cette influence maléfique n’est pas prête de cesser.

(Un extrémisme religieux des plus obtus a trouvé à s’exprimer récemment chez nous en prenant prétexte de l’enfumage que représentait la loi relative au mariage pour tous.)

Le Christ est d’évidence la réponse aux maux de toutes les sociétés. Cela étant, les désastres écologiques sont une bonne nouvelle : ils annoncent le retour du Christ qui ne pourra toutefois se faire que lorsque les juifs occuperont la totalité de la Palestine, puisque l’État d’Israël est l’accomplissement du Contrat entre Dieu et Abraham.

On constate combien la politique étrangère des EU est dominée par de telles inepties. Effrayant, inimaginable, à peine croyable, les périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité sont de retour.

(Ce n’est pas Obama, de plus en plus timoré et empêtré dans de multiples contradictions et reniements – nous connaissons fort bien cela nous aussi -, qui changera grand-chose.)

4 – Assaut contre le savoir et la connaissance

Une forte proportion de la population américaine « n’est touchée ni par l’esprit ni par la lettre de la science. » Majoritaires sont ceux qui croient que le récit de la Création rapporté dans le Livre de la Genèse est littéralement vrai.

La certitude qu’apporte le délire religieux s’oppose au doute, aussi anxiogène que la démocratie ; la révélation est plus convaincante que le lent progrès de la raison.

Dès lors, le créationnisme déborde allègrement les acquis de la science dont il brouille les frontières, il illustre une formidable entreprise religieuse de démolition des connaissances à laquelle la communauté scientifique ne parvient pas à s’opposer. Cette entreprise n’a d’autre finalité que de battre en brèche le pouvoir gouvernemental et de remettre en cause le fonctionnement de la société au profit d’un féodalisme restaurant l’hérédité des privilèges.

Les coups de boutoir contre le darwinisme au nom d’un Dessein intelligent fondent l’amorce effrayante d’un âge de totale déraison.

Le mouvement pour la scolarisation à la maison, consécutif à la dégradation d’une partie des écoles publiques, représente une menace très réelle contre la république et la démocratie car il permet un endoctrinement religieux des plus nocifs, d’autant plus qu’il admet la possibilité pour quiconque de s’instaurer enseignant. Peu à peu la Bible deviendra l’unique référence, fatale à tout esprit critique. Il s’agit d’un véritable crime contre l’esprit, absolument intolérable.

Enseigner ne peut en aucun cas être confondu avec prêcher.

Lorsque la théocratie prend le pas sur la démocratie, le fascisme sonne à la porte. Méfions-nous, soyons vigilants !

(Occasion de rappeler combien, ici en Europe, par la volonté de dirigeants asservis à la finance internationale et aux États-Unis d’Amérique, nous sommes plongés depuis des décennies dans un libéral nazisme : conditionnement massique des esprits, mépris de la démocratie et des institutions, reconstitution de privilèges, barbarie totalitaire inscrite dans le règne des marchés, la traque des minorités, les violences policières, la progression du fanatisme religieux, la pratique de la torture, et le bellicisme tous azimuts. Beaucoup refusent encore de l’admettre, trouvant le propos outrancier. Si outrance il y a, elle ne peut venir que de ceux qui refusent de voir. Il est difficile de co-exister avec la réalité...)

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P
OUI , bon , c' est l' hyper libéralisme qui est décrit , d' accord ; quand aux questions " religieuses " lobby catho ! etc ... régressions diverses ... Peut être est ce les Etats unis d' Amérique qui sont issues de européens plutôt d' obédience puritaine , protestante : ça marque leur histoire ! .. pour les questions d' une sorte de retour du "religieux " dans notre civilisation occidentale , en tout cas une certaine perte de valeurs , d' identités et autres ,et un Vrai questionnement je conseille la lecture des textes et paroles de Julia Kristeva .....voir son site et ses livres , là c' est du profond et subtil !
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