Charlie Hebdo, et après
Plusieurs médias américains, notamment le New York Times, CNN et l'agence Associated Press ont refusé de montrer la dernière une de Charlie Hebdo avec Mahomet.
Que penser de la pusillanimité de certains médias US, demande un de mes correspondants.
Bah, comme la plupart des gens incultes, sans foi ni loi, sans véritables repères, ils sont prêts à toutes les compromissions, comme à tous les excès. Comme la plupart des « braves gens », ils sont adeptes du « juste milieu » et du « moindre mal ».
Bien des étasuniens estiment souvent être l’alpha et l’oméga d’un monde où leur nombril et leur portefeuille sont l’unique référence. Fanatiques eux-mêmes, leurs dirigeants sont aussi dangereux que ceux qu’ils ont très largement contribué à faire éclore. Chez eux aussi la religion est capable d’engendrer les pires déviances, le Ku Klux Klan est dans toutes les mémoires, de même que la virulence de feu le cardinal Spellman (1889-1967), et plus près de nous l’aveugle folie belliciste de GW Bush.
In God we trust ! Allah akbar !
Les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki furent très certainement bénies avant d’être larguées.
Charlie n’a jamais été ma tasse thé. Je suis allergique à ce type de dessins, de même qu’aux outrances... outrancières, leur reconnaissant toutefois un réel bien fondé. C’est le mode d’expression qui ne me convient pas, le fond au contraire est souvent loin de me laisser indifférent.
Quoi qu'il en soit, un dessin, une caricature, ne sont jamais ce qu’ils prétendent représenter, de même que le mot n’est jamais la chose. S’abuser là-dessus c’est tomber dans l’idolâtrie, c’est-à-dire confondre images (idoles) et divinité en soi. Voltaire a raison, qui traite Polyeucte de crétin (Voltaire dit sot) parce qu’il s’attaque aux idoles.
Cela étant, personne n’a jamais été contraint d’acheter ce journal qui, d’ailleurs, a connu une passe très difficile sous le proconsulat de Philippe Val, avec son soutien à l’État raciste et terroriste d’Israël et son attirance immodérée pour les US. On se souvient de la controverse et de la crise engendrées par le licenciement de Siné taxé d’antisémitisme parce qu’ayant eu l’audace de moquer le mariage du fils Sarkozy avec l’héritière de l’empire Darty (« Jean Sarkozy ... vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »).
Alors que le journal diffusait assez peu, l’emballement émotionnel actuel (on parle de 7 millions d’exemplaires du premier journal d’après) me terrifie. Acmé du panurgisme. C’est comme une ola universelle dans le grand stade du nez à la vitre.
Où que ce soit la liberté ne saurait se détailler. Totale ou inexistante, en tout cas jamais bancale. Critiquer, se moquer, refuser, conchier, et alors ? Quelque religion que ce soit, y compris celle du laïcisme débile, est un poison redoutable. Je n’irai cependant jamais m’opposer à un pratiquant du moment qu’il ne viendra pas tenter de m’imposer sa foi. Refuser, ignorer, me satisfont, et me suffisent. Mais surtout, qu’on ne vienne pas me dicter ce que je dois être.
Donc je ne suis pas Charlie, par contre je suis très concerné par chacune des victimes, quelle que soit son origine, son statut, ou son appartenance (journaliste, employé, policier, client d‘un supermarché...).
Pas seulement celles que l’on compte à domicile, qui n’émeuvent qu’en raison de leur proximité, mais aussi toutes celles qui tombent chaque jour, sont emprisonnées, souvent torturées, au Proche-Orient, en Afrique, à Guantanamo, en Europe même, et ailleurs.
Quels qu’ils soient, d’où qu’ils proviennent, les bourreaux sont tous toujours d’infâmes salauds, mais aussi de parfaits crétins. Tandis que ceux qui les arment, les inspirent, les justifient et les commanditent sont de véritables monstres à mettre hors-jeu, d'urgence.
L’Occident en compte largement autant que l’Orient. Quelques-uns d’entre eux ont brièvement battu le pavé parisien l’autre dimanche.
Face à cela, comme le prétendent quelques ténors sur le déclin, il faudrait de nouveaux dispositifs juridiques ? Réponse ridicule et simplement démagogique.
Comment peut-on raisonnablement penser qu’un renforcement des règles en vigueur, tel qu’une mesure d’indignité nationale, ou bien la menace d’interdiction d’entrée sur le territoire pour les binationaux, aient la moindre influence dissuasive auprès de fanatiques prêts à mourir pour la cause et la jouissance paradisiaque ?
Il est très probable que l’arsenal juridique soit suffisant, à condition que sa mise en œuvre soit réelle ; sans doute « simple » question d’organisation et d’optimisation des moyens existants, de coordination efficace entre services. La surenchère verbale, les mines résolues et autres coups de menton, les effets de manchette, ne sont rien d’autre que cacher la poussière sous le tapis pour tenter de sauvegarder les apparences.
Tout cela ne peut que servir le jeu manipulatoire des assassins dans lequel nous risquerions de nous laisser prendre.
C’est d’une réflexion approfondie, exigeant le temps de l’analyse et de la maturation, que nous avons besoin. C’est au fond qu’il faut consacrer tous les efforts, pas aux apparences du vite-décidé-pour-satisfaire-l’opinion. Tout est à reprendre rapidement, mais avec sérénité, dans les articulations d’un ensemble qui fait que de jeunes français issus de notre système éducatif puissent aussi dramatiquement dériver.
Pas de lois supplémentaires, pas de Patriot Act à la française, pas de proclamation d’une illusoire union nationale, mais l’application résolue des mesures déjà prises, et la réduction prioritaire des déficits de mise en œuvre.
Quel défi pour nos politiques ! Sauront-ils être à la hauteur ?
A nous, à nos exigences, à notre vigilance, à notre intransigeance, de les y contraindre. Rappelons-leur qu'ils ne sont rien sans notre assentiment. Cessons d'être complices consentants de leurs lacunes et de leurs magouilles.