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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

Le premier numéro de la Revue du Crieur est paru en juin dernier

2 Août 2015 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal Publié dans #Fascisme ; Droites ; Islamophobie ;, #Populisme

Créée par Médiapart et les Editions La Découverte, la Revue du Crieur – ainsi nommée en hommage à François Maspero – se propose de publier « des enquêtes et des reportages, sur les sujets les plus variés, mais toujours dans un esprit incisif, quitte à faire vaciller certains magistères... ».

Trois numéros par an sont annoncés.

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Dans le numéro Un, Enzo Traverso – historien de la modernité, universitaire – propose une fort intéressante réflexion sur les « Spectres du Fascisme (et) Les métamorphoses des droites radicales au XXIe siècle. » Son texte éclaire utilement le fonctionnement de la société dans laquelle nous évoluons.

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L’évocation ou la citation de certains éléments du texte de référence, sans autre commentaire personnel que les choix faits, devraient permettre au lecteur d’aller plus avant, d’affuter son point de vue, et d’accroitre sa vigilance critique.

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Le vocable fascisme effectue un retour en force, parfois commode, pour désigner ce qu’on ne sait pas nommer dans le langage courant. Ce terme sert à désigner aussi bien la montée des droites radicales un peu partout en Europe, que le « califat » de Daech et sa barbarie, ou encore les actes terroristes récemment commis en France, en Tunisie, ou ailleurs. Ainsi s’installe une déroutante cacophonie qu’il est nécessaire d’explorer.

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La montée des droites radicales représente l’un des aspects les plus marquants de la crise européenne actuelle, tant à l’Ouest qu’à l’Est. La résurgence de l’ascension des droites radicales réveille bien entendu la mémoire des années 30 et des désastres consécutifs.

La nécessité d’une approche comparative conduit à hésiter à parler de « fascisme » (sauf dans le cas d’Aube dorée, en Grèce, ouvertement néo-nazie, ou de Jobbik, en Hongrie). Il s’agirait plutôt d’un « post fascisme », c’est-à-dire d’une réalité nouvelle, transformation du fascisme historique. « En 1974, Pier Paolo Pasolini observait l’avènement d’un nouveau fascisme fondé sur le modèle anthropologique consumériste du capitalisme néolibéral vis-à-vis duquel le régime de Mussolini apparaissait irrémédiablement archaïque... »

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Dépourvu de l’élan de ses ancêtres, le post fascisme est marqué par l’effondrement des espérances du XXe siècle. « Au lieu de faire rêver le peuple, il veut le convaincre (d’) exprimer sa protestation contre les puissants qui le dominent et l’écrasent, tout en promettant le rétablissement de l’ordre... ». Ainsi le post fascisme est-il profondément conservateur, réactionnaire même.

L’évocation rituelle des menaces qui pèsent sur la démocratie (terrorisme islamique) masque le fait historique que la démocratie peut être détruite de l’intérieur.

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Mutations

Ce post fascisme se nourrit des conséquences de la crise économique, du délabrement des démocraties libérales, et des politiques d’austérité, composantes poussant les classes populaires à l’abstention généralisée. Il surgit dans un monde marqué par l’effondrement des espérances utopiques du XXe siècle. Plus de mythes collectifs pour faire rêver, simplement l’orchestration de protestations contre les puissants et la promesse du rétablissement d’un ordre antérieur, économique, social, moral.

Le fascisme originel trouvait sa principale raison d’être dans la lutte contre le communisme. Son renouveau actuel a recours à des spots télévisé et des campagnes publicitaires, il n’a plus besoin de défilés de troupes en uniforme. Lorsque des foules sont mobilisées, elles le sont selon des codes empruntés à la gauche libertaire, la « Manif pour tous », opposée au mariage homosexuel, en est un exemple.

Les droites radicales exercent désormais une sorte de monopole de la critique du « système ». La menace bolchevique a disparu, multinationales et banques voient leurs intérêts très bien défendus par la BCE, le FMI et la Commission de Bruxelles. Seul l’effondrement de l’Union européenne permettrait d’instaurer un état général d’instabilité rappelant celui de l’Italie des années 20 ou de l’Allemagne des années 30. L’absence totale de vision et d’ambition des dirigeants européens, leur renonciation à tout changement, leur soumission au pouvoir de l’argent, leur mépris pour l’expression populaire (le cas de la Grèce en est un terrible exemple), nous exposent à ce type de risque.

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Racisme et islamophobie

La xénophobie est un trait commun aux post fascismes, des mouvements néonazis aux partis moins extrémistes. L’étranger et surtout un ennemi de l’intérieur. Si les Européens, Roms mis à part, ne sont plus visés, les minorités d’origine africaine, celles de religion musulmane, font les frais de cette « altérité négative ».

L’immigré musulman a remplacé le juif d’antan. Toutefois, s’il n’a pas trouvé d’expression politique ou électorale, l’antisémitisme demeure, perpétré par des représentants d’une minorité exclue et opprimée contre une autre minorité aujourd’hui bien intégrée, quoique porteuse d’une mémoire de l’exclusion et de la persécution. « ... droites radicales et terrorisme islamique s’alimentent réciproquement. »

L’islam, notion globalisante correspondant à un préjugé culturaliste distinguant l’Europe judéo-chrétienne du monde musulman, regroupe « une religion, l’immigration, des minorités, le terrorisme, etc. ». «... l’islam permet aujourd’hui de retrouver (...) une identité française perdue ou menacée par la mondialisation » (dont Alain Finkielkraut est l’un des chantres).

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Héritage colonial

Les racines de l’islamophobie procèdent du colonialisme, qui avait inventé la distinction entre citoyen et indigène, et instaurait ce faisant des hiérarchies socio-politiques. C’est ainsi que le migrant postcolonial devenu citoyen français se transforme en corps étranger. Le stigmate colonial permet la création d’une catégorie particulière : celle des Français « issus de l’immigration » - « ... nous sommes passés d’une attitude conquérante à une posture défensive (...) la supériorité du libérateur exige le rétablissement d’une barrière sécuritaire vis-à-vis de l’esclave libéré. »

Défaite historique du communisme et décolonisation correspondent au passage du fascisme au post fascisme.

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Cas de l’islamo-fascisme

En dépit de sa barbarie, l’islamo-fascisme fascine une faible partie de la jeunesse musulmane d’Europe. La force de cette option réside dans son opposition radicale à la domination de l’Occident. La barbarie fondamentaliste se fonde en grande partie sur un mimétisme : Guantanamo, scènes de torture à la prison d’Abou Ghraïb, invasion de l’Irak, etc. La violence de l’Occident se retourne contre lui.

La condamnation morale, les défilés de protestation, sont totalement inefficaces ; ils ne répondent pas à la nature atroce du problème posé, soigneusement évité.

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Le national-populisme

Le national-populisme irrigue les droites radicales. Il s’agit de mobiliser le peuple pour provoquer un sursaut bénéfique.

Autrefois, le « bon peuple » était celui de la ruralité, opposé à la dangerosité de la classe ouvrière citadine. Aujourd’hui, le « mauvais peuple » va des immigrés, des musulmans, aux drogués et marginaux de tout poil, défenseurs des altérités sexuelles, écolos contestataires, etc. Le « bon peuple » ressemble beaucoup au « Beauf » décrit par Cabu : machiste, homophobe, antiféministe, raciste, hostile à l’écologie, etc.

En stigmatisant toute opposition populaire à leur politique, les oligarchies au pouvoir en Europe manifestent leur mépris du peuple, dont elles cherchent à éradiquer tous les corps étrangers (immigrés, musulmans, contestataires, déviants, etc.).

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Quelle sera l’évolution ?

Quelles dérives politiques extrêmes ?

Le danger est considérable.

Nous sommes sans doute à une croisée des chemins.

Le regard critique et la vigilance s’imposent, d’urgence !

Le premier numéro de la Revue du Crieur est paru en juin dernier
Le premier numéro de la Revue du Crieur est paru en juin dernier
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B
Oui, la revue papier existe. J'en ai reçu un exemplaire, puisque abonné dès l'annonce de sa parution prochaine<br /> Je pense qu'elle est disponible chez les marchands de journaux.<br /> Consulter le site www.revueducrieur.fr est peut-être le plus simple, pour savoir.
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M
Géniale synthèse.<br /> La revue "papier" existe-t-elle ? Où peut-on la trouver ?<br /> Merci jean.<br /> mc
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