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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

Bref séjour en Catalogne

2 Mars 2018 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal Publié dans #Catalogne; indépendantisme; Barcelone; Rajoy; Puigdemont; franquisme; juge Garzon

Catalogne, confusion, affrontements, postures, comment s’y retrouver ?

Ecouter au maximum, grappiller quelque documentation, pour tenter d’aborder l’écheveau.

Une semaine c’est bien trop peu pour affirmer un point de vue, c’est suffisant pour entrevoir des pistes à explorer.

 

Si Barcelone fut la capitale du Royaume d’Aragon, réuni à la Couronne d’Espagne au début du 18e siècle par Felipe V, petit-fils de Louis XIV, la Catalogne n’a jamais connu l’indépendance. La notion de peuple catalan possédant une culture propre, un droit civil particulier, et une langue distincte, désormais interdite dans l’administration, a commencé à germer alors.

 

C’est au début du 20e siècle qu’un premier parti indépendantiste fut formé avec l’intention avouée de passer par la voie insurrectionnelle pour parvenir à ses fins. Le séparatisme catalan a connu des fortunes diverses, création de divers partis, foyers d’opposition au franquisme, périodes de répression, jusqu’à un essor populaire depuis 2010. La volonté de limiter les déséquilibres fiscaux engendrés par le système de redistribution des recettes a fait croître le désir de renégocier les relations avec l’Etat. Parlement catalan et Parlement espagnol se sont mis d’accord, mais le Parti Populaire (PP) s’est opposé en 2006 à toute réforme, via le Tribunal constitutionnel.

L’indignation des Catalans a conduit à la montée de l’indépendantisme.

 

Le Parti Populaire au pouvoir (Rajoy) développe une stratégie de blocage et de refus de négociation, avec la complicité de certaines autorités judiciaires. Possédant la majorité absolue au Parlement, il mène une politique de recentralisation et d’asphyxie de la Generalitat à Barcelone.

Désormais deux idéologies s’affrontent, incarnées par deux personnages aussi intransigeants l’un que l’autre, Rajoy et Puigdemont. C’est à qui fera ployer le genou à l’autre. Tout cela au nom d’une Légalité intangible, pour l’homme du pouvoir absolu, d’une Démocratie revendiquée souveraine, pour le Matamore dénué de véritable projet alternatif.

Une corruption considérable en fond de décor (la plus forte d’Europe selon certains de mes interlocuteurs) n’arrange évidemment rien.

Le climat est passionnel, la cassure semble profonde, elle risque de laisser des traces durables. Le gâchis serait d’ores et déjà considérable : économie en péril, image dégradée, rancœurs apparentes.

 

La permanence des traces du franquisme innervant l’inconscient politique serait certainement à considérer au plus près.

Bien que des efforts se soient développés pour tenter un travail de mémoire sur le passé, le blocage obstiné des institutions juridiques et l’inertie étatique laissent libre cours à l’évacuation de l’histoire récente.

C’est ainsi qu’existent encore en Espagne de nombreuses inscriptions publiques, noms de rues, plaques sur des édifices, célébrant le régime franquiste et ses « héros ». Il ne faut pas oublier que le Parti Populaire (Aznar puis Rajoy), formation de droite ultra conservatrice, est l’héritier directe de l’Alliance Populaire fondée par sept ministres de Franco.

Nous nous souvenons tous des mésaventures du juge Baltasar Garzon, celui qui a permis l’arrestation de Pinochet à Londres. Il a vu sa carrière brisée pour avoir défié la loi espagnole d’amnistie en portant devant les tribunaux le cas des victimes du franquisme.

Si aujourd’hui la droite est si opposée à l’idée même de République, c’est peut-être parce qu’elle craint avant tout la réouverture de dossiers soigneusement clos.

 

La société espagnole privée de débats sur la mémoire récente semble incapable pour le moment de s’accorder sur des terrains d’entente pour écrire le présent. Nous assistons ainsi à une querelle aussi violente que stérile.

Les deux principaux protagonistes ont entamé un processus d’affrontement sans en avoir envisagé les conséquences possibles. Ils sont désormais pris dans un engrenage totalement mortifère. « Le désir de paraitre habile empêche souvent de le devenir », La Rochefoucauld – Maximes, 199.

 

Comment en sortir sans risquer de retomber dans les luttes fratricides d’hier ? Ce n’est sans doute pas l’expression maladroite et embarrassée du Roi Felipe VI qui pourra y aider. Pas plus d’ailleurs que la manière dont le Conseil de l’Europe se tient prudemment hors de portée, par crainte à l’évidence de contagions possibles.

 

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M
Il y a des situations qui semblent ne faire que des perdants, des situations où il n'y a pas de ''bonne'' <br /> solution. Je suis au Québec et je vois depuis une quarantaine d'années des malheureux déçus du fait que le Québec ne soit pas devenu un pays indépendant du Canada. (Et De Gaulle qui aurait mieux fait de se la fermer avec ses déclarations en 1967 sur le Québec Libre!! - mauvais souvenir). Les raisons de se séparer existent ici comme en Catalogne - politiques, économiques et même affectives. <br /> Et pour d'autres il existe autant de bonnes raisons de ne pas ''briser'' le pays, ici, le Canada. Voilà donc une situation sans bonne réponse, des impasses qui laissent dans tous les camps des frustrés qui rongent leur frein. Un vieux dicton pourrait s'appliquer: Dans le doute, s'abstenir...
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