Ravachol et Cie
Au tournant des siècles 19 et 20, une série d’attentats et d’attaques à main armée défrayèrent la chronique politique et judiciaire.
On se souvient aujourd’hui encore de François Ravachol (1859-1892), de Jules Bonnot (1876-1912) et sa bande, comme d’Auguste Vaillant (1861-1894) lançant une bombe dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, ou de Sante Geronimo Caserio (1873-1894) l’assassin du Président Sadi Carnot, à Lyon.
Les uns et les autres sont des laissés pour compte, ayant connu une enfance très perturbée, totalement paumés, très influencés par la lecture de textes anarchistes dans lesquels ils ont trouvé une justification à leur révolte ainsi que des voies pour mener une lutte radicale contre une société injuste qu’ils abhorrent.
Certains d’entre eux sont devenus après leur mort symboles d’une révolte désespérée contre la société et l’Etat qui la défend, ils ont même parfois revêtu une apparence mythique au-delà des milieux anarchiques. Le cinéma, la chanson, se sont emparés de l’un ou l’autre.
« Voilà pourquoi j’ai commis les actes que l’on me reproche et qui ne sont que la conséquence logique de l’état barbare d’une société qui ne fait qu’augmenter le nombre de ses victimes par la rigueur de ses lois qui sévissent contre les effets sans jamais toucher aux causes » a déclaré Ravachol lors du procès qui le conduisit à la peine capitale.
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Curieux parallèle avec ce que nous connaissons aujourd’hui. Étonnement que personne apparemment n’ait jusqu’à présent établi le rapprochement. On glose sur les ismes et la nécessité du renforcement de la sécurité, rien de plus. Naïveté ou erreur d’interprétation, j’aimerais bien recueillir des avis là-dessus.
Plus d’un siècle plus tard, les mêmes causes, misère, chômage, inculture, exclusion, rigidité des principes, produisent semble-t-il les mêmes effets. Si cela est vrai chez nous, ça l’est également aux États-Unis où les tueries succèdent aux tueries, à intervalles rapprochés.
Révolvers et kalachnikov d’une part, répression d’autre part, font office d’antiseptique social. Les apparences de la démocratie reculent chaque jour un peu plus, cela suscite à peine des commentaires.
Rien n’a vraiment changé, attentats ciblés ou aveugles, djihadisme et islamisme ont simplement remplacé anarchisme. Ils permettent d’évacuer on ne peut mieux les causes profondes des dérives que nous savons. Ces causes sont si profondes, leur traitement remettrait de manière si radicale les fondements de l’organisation sociale, que s’y attaquer véritablement parait non seulement hors de portée, mais tout à fait hors de pensée.
Deux discours extrémistes, celui des ennemis irréductibles de la société actuelle, comme celui de ses défenseurs acharnés, s’annihilent l’un l’autre.
Le progrès est nul, l’acharnement à ne rien modifier au-delà des apparences est totalement suicidaire.