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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

Trois jours en juin

25 Juin 2012 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal

UN 

Un mauvais signal est donné :

Changement inattendu de responsable à la tête du Ministère de l’Ecologie.

Le souci de l'environnement et le respect des éco-systèmes marins au large des côtes de la Guyanne semble tout à coup bien mince face à la mauvaise humeur des pétroliers et du Medef.

La ministre en charge a commis l'imprudence de se croire en mesure de prendre une décision paraissant opportune en revenant sur des autorisations de forage accordées de longue date.

Erreur d'appréciation des forces en présence, ou bien méconnaissance des règles juridiques ?  Débarquée sans tambours ni trompettes, elle a néammoins accepté de se voir confié un portefeuille totalement différent... Pouvoir quand tu nous tiens. 

Aucune réaction significative de ses amis politiques occupés à fournir des explications  toutes plus vaseuses les unes que les autres. Le nez de Pinocchio n'en finit pas de s'allonger, comme par le passé.

Compromis, accomodements, révision d'engagements forts, reculades, tout est évidemment dans l'ordre normal des choses. Nous connaissons cela depuis si longtemps qu'aucune raison de s'en offusquer ne devrait pouvoir être invoquée.

Rien de tel qu'un fort changement apparent pour que rien ne change vraiment. Espérons qu'il ne s'agit que d'un pas de clerc.

 

DEUX

Dans Arles où sont les Alyscamps, nombreux sont les artistes.

L'un d'entre eux, Eric Rolland, ouvrait son atelier et son jardin aux amateurs curieux, durant un long week-end.

Eric Rolland, exerce son talent sous diverses facettes : peintre, designer, éclairagiste, auteur de livres de jeunesse sous le pseudonyme de Bellagamba. Le designer s'intéresse au façonnage du béton, l'éclairagiste œuvre aussi bien pour le théâtre, que pour les architectures publiques dont il effleure les traits et honore les secrets ombrés. Il a en grande partie ainsi mis en lumière sa ville d'Arles, dont il apprécie tant la beauté.   

Ce jour là c’est au peintre que je me suis plus particulièrement attaché. Une série de travaux consacrés à la peinture et à la lumière, acrylique et cristaux de silice, sur des toiles matiéristes, ou bien pastels sur papier, retenaient particulièrement l'attention.

 

Certains de ces pastels sont tout à fait remarquables, l’un d’entre euxE.-Rolland-23-juin-011-copie-1.jpg notamment. La verticalité lui confère une force singulière. Un univers biblique semble proposé, quelque chose de l'ordre du sacré. Puissance des éléments, lumière centrale irisant la nuée, forçant l’écrin des ténèbres, teintes sombres, rouge de fond, bleu vert, marron, noir composite, tout y est. Nous sommes dans l’épaisseur de l’histoire de la peinture. L’immensité habitée par la solitude nous est offerte. Points centraux, au bas de la composition, cinq taches blanches, sans doute des moutons paissant la prairie, impassibles, taches éclatantes, regroupées mais distinctes, nous disent le pouvoir de l’humble indifférence à l’anecdote, comme aux forces qui nous dépassent et rendent vaine toute tentative d'explication.

Eric Rolland revisite ses maîtres, il retourne aux sources, il fréquente ses amonts, qu’il hante à sa façon, probablement peu consciente de tout ce qu’elle engage. La peinture le saisit, s’empare de lui. La puissance somptueuse de Rembrandt, son aisance à jouer des contrastes lumineux, son goût pour la beauté des matières les plus riches, se trouvent instantanément évoqués. Et puis, en bas ces cinq petites taches tellement présentes, qui font penser au petit chien à demi-caché de Goya, comme à la si touchante humilité des fresques du Beato Angelico.

 

Bravo Eric, tu as fait très fort, tu honores la peinture à laquelle tu voues un réel respect.

Un simple pastel peut cristalliser tout un Univers.

Le dernier mot appartient à l'Art. Nous sommes heureusement quelques uns à en être persuadés. 

 

 

TROIS

 

A quelques encablures d'Avignon, à Domazan, en pleine terre gardoise, visite d'un parc de sculptures contemporaines en plein coeur du domaine viticole du château de Bosc.

Le plein air convient à merveille à la sculpture. Ombres et lumières, vibrations ordonnées par le vent, jeu entre les pleins et les vides, confrontation permanente avec le cadre naturel, rivalité des matériaux, jalonnent un parcours souvent enchanté.

Tout cela, même si comme ici les épigones semblent prendre le pas sur les créateurs authentiques.

L'un évoque, sans peut-être le vouloir, les stabiles de Calder, en plus gracile. L'autre cède manifestement au charme voluptueux de Brancusi. Qui ne s'y laisserait prendre, d'ailleurs ? Un troisième est sensible aux rapports présence absence de matière chers à Henri Moore. Ailleurs, des tôles pliées et découpées, souvent peintes en bleu, s'apparentent aux papiers découpés de Matisse. Tout cela est charmant, tout cela apporte du plaisir, le plaisir de la découverte d'un lieu et d'un espace quelque part au bout du monde.

Dommage cependant que la plupart des oeuvres soient allégées, souvent réduites à des formes minimales, parfois à des esquisses. Bosc 2-24 juin 010  

Mais tout à coup, à proximité de l'entrée monumentale du château, une Equation de Jean-François Coadou tranche sur l'ensemble par son énergie et son autorité. Par son refus de toute anecdote. Par son refus de la fragilité d'un travail hâtif, approximatif parce que fruit d'une improvisation trop peu nourrie.

 

Comme toute celles qui l'ont précédées cette Equation (elle porte le n° 40) procède d’un jeu formel entre cube, pyramide et cylindre, suivant en cela la leçon inaugurale de Cézanne. Il s'agit toujours d'un ensemble global énigmatique fonctionnant sur lui-même. Face à celle-ci, une évocation de Raymond Duchamp-Villon survient, inattendue. Coadou est évidemment de bonne lignée.

Il semble qu’une incoercible force d’expansion progresse au plus profond d'un système invérifiable. Une force latente, qui avance quoi qu'il arrive. Pourrait-on s'y opposer ? Y songer parait fou. Quelque chose advient ici et maintenant, c'est imparable. Il nous appartient de le constater et d'en tenir compte. Sachons écouter nos tréfonds.

Clairement repérables, les équilibres de Coadou sont d’autant plus appréciables qu’ils ignorent les évidences de la mode.

(photos Jika)

 

 

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