Élections, tirage au sort ?
Corine, gilet jaune entre autres qualités, l’a offert à mon ami Alain, qui me l’a prêté. Il ne me reste plus qu’à vous le faire connaître, impérativement. Ecrit par un enseignant de belle pointure, certainement doublé d’un excellent pédagogue, ce livre est le fruit d’un travail sérieux, il se lit aisément. Son intitulé ?
Étienne Chouard – Notre cause commune ; Instituer nous-mêmes la puissance politique qui nous manque – Max Milo éd. Paris, 2019, 123 p., 12 €.
C’est déjà à Étienne Chouard que nous devons les réflexions qui ont contribué au résultat négatif du referendum de 2005, allègrement désavoué par le pouvoir sarkosiste en 2008.
(Ce qui suit tient compte autant du texte que des réflexions personnelles suscitées.)
D’emblée l’auteur remarque que, faute d’identifier les causes profondes des maux qui rongent le corps social, faute donc de réflexion approfondie, la tendance générale est de se battre contre les conséquences de lacunes fondamentales. Revendications perdant de leur impact car trop souvent superficielles.
La véritable question à laquelle il convient de tenter de répondre est qu’est-ce qui rend possible les horreurs auxquelles nous sommes confrontés ? Une des explications possibles tient à la dépossession à laquelle nous consentons presque tous.
Considérons en premier lieu que ce n’est pas aux hommes de pouvoir de rédiger les règles du pouvoir (la Constitution). En effet si nous admettons ce type d’aberration qui accepte que les hommes au pouvoir ne peuvent que rédiger des règles en leur faveur, nous sommes mal fondés ensuite à nous plaindre du sort qui nous est réservé. Apprenons à nous ériger en tant que citoyens autonomes plutôt qu’électeurs enfants politiques dépendant du bon vouloir d’autres que soi.
« Les enfants croient au Père Noël, les électeurs croient au suffrage universel. »
La démocratie moderne telle que nous la connaissons ne revient qu’au droit de désigner des maîtres parmi des gens que nous n’avons pas choisis, sans avoir aucun moyen de résister à une trahison entre deux élections (exemple flagrant du Non populaire de 2005, transformé en Oui parlementaire en 2008, revirements de Mitterrand).
Comment pourrait-on en sortir ? Par le recours au tirage au sort en lieu et place de l’élection (je me suis déjà exprimé là-dessus à diverses reprises sur ce blogue). Tirer au sort c‘est donner le pouvoir aux plus pauvres, élire c’est donner le pouvoir aux plus riches, offrir de gouverner aux pires égoïsmes.
Considérons attentivement que l’élection infantilise les citoyens en permettant aux élus de dominer les électeurs, un petit nombre commandant à un grand nombre. Elire c’est évidemment abdiquer le temps d’une mandature en s’en remettant corps et biens à d’autres dont les intérêts divergent rapidement. Procéder par tirage au sort, c’est revendiquer la souveraineté et la contrôler en permanence.
Elire parmi des candidats imposés, c’est nommer des représentants qui seront aussitôt les maîtres. Les électeurs ne sont pas citoyens, ils ne sont que des impuissants politiques. Non seulement le système électif infantilise, il déresponsabilise, et il entretient le mépris, l’arrogance et le cynisme (fondements du règne de Gaudin à Marseille pendant un quart de siècle, attributs de la candidate adoubée Martine Vassal, caractéristiques majeures de la Présidence de Macron). Au contraire, le tirage au sort, qui est désignation parmi des égaux, pousse à la responsabilité, les personnes désignées cherchent à être à la hauteur (cf. Jurys d’Assises).
Autre élément préoccupant : l’élection donne le pouvoir à ceux qui le veulent pour eux-mêmes (« la Présidence, j’y pense pas seulement en me rasant » répondit un jour Sarkozy à une journaliste TV). Il n’en va pas de même avec le tirage au sort.
Depuis 1789, le pouvoir n’a pratiquement pas changé de mains. Donner le pouvoir à ceux qui le veulent, c’est l’abandonner aux pires voracités. Elire parmi des candidats déclarés incite au mensonge permanent de leur part et de celle des partis qui les soutiennent (Hollande se déclarant ennemi de la Finance au cours d’un meeting mémorable, au Bourget, faux semblants du PS, Guy Mollet, de Gaulle, la guerre d‘Algérie, le sort fait aux harkis…). L’expérience pluriséculaire prouve que l’élection donne en permanence le pouvoir aux riches, les seuls susceptibles de réunir les appuis financiers nécessaires (exemple exacerbé des campagnes électorales aux Etats-Unis, et de leur influence sur les mœurs européennes).
L’absence de contrôle des élus favorise la corruption, la recherche de privilèges, et, presque plus grave, la professionnalisation de la politique, ferment de toutes les dérives (Gaudin encore, parmi beaucoup d’autres).
Au contraire, le tirage au sort impose la rotation des charges et interdit la professionnalisation. Il concerne un collectif de personnes, que l’on contrôle, pour un temps court, ce qui le différencie profondément du non contrôle du temps long de l’élection.
« La démocratie c’est l’exercice du contrôle des gouvernés sur les gouvernants. » (Alain)
Voici qui implique
- liberté d’expression ;
- référendum d’initiative partagée (cf. mise sous le boisseau du référendum relatif à la privatisation de l’aéroport de Paris, par le pouvoir macronien sabotant toute publicité à cet égard) ;
- statut protecteur des lanceurs d’alerte.
Quelques citations en guise de conclusion :
« Il y a ce qu’on dit et il y a ce qu’on fait. Il y a un vocabulaire à attraper, et il est facile avec quelques mots - liberté et indépendance nationale – de se faire écouter des imbéciles (…) Il faut parler paix et agir guerre. » (Bonaparte, 1795)
« Bien analysée, la liberté politique est une fable convenue, imaginée par les gouvernants pour endormir les gouvernés. (Napoléon)
« Le langage politique est conçu pour donner au mensonge des airs de vérité rendre le meurtre respectable, et faire passer pour solide ce qui n’est que du vent. » (G Orwell)
Mystification suprême, faire passer l’élection pour un devoir civique alors qu’elle n’est que consentement implicite à la soumission.