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Epistoles-improbables - Blogue-notes de Jean Klépal

Artistes, amis, en vrac

3 Juillet 2021 , Rédigé par Blogue-note de Jean Klépal Publié dans #Philippe Jaccottet, Paul-Hean Toulet

Ainsi, le sous-titre du recueil de textes de Philippe Jaccottet publié par La Dogana/Le Bruit du temps en mars 2021, quelques semaines après la disparition du poète.[1]

Ces textes, objets de commandes ou issus du hasard de rencontres, de 1956 à 2008, sont regroupés sous le titre générique Bonjour, Monsieur Courbet, intitulé du célébrissime tableau conservé au Musée Fabre de Montpellier. Représentation de la rencontre d’une banale simplicité entre le peintre et son mécène, ce tableau déchaina des hourvaris lors de sa présentation au Salon de 1854. Faire du quotidien le plus anodin le sujet d’une œuvre d’art, quelle audace impie ! 

Placer aujourd’hui une publication ultime sous ce patronage ne peut qu’avoir valeur de manifeste. A l‘évidence.

Modeste, attentif, très respectueux de l’humble familiarité des choses, des scènes et des personnes, Jaccottet nous livre le trésor de ses petits riens. Le livre requiert une fréquentation non intrusive, il est à déguster à petites lampées. Suivons la recommandation de Paul-Jean Toulet et savourons :

Dans Arles, où sont les Alyscamps,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,

Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd ;

Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.

D’emblée, l’auteur nous indique par l’agencement de ses textes  combien il convient de se garder des tonitruances de l’actualité et de la mode, comme des faux-semblants intellectualistes. La porte romane (XIe et XIIe siècles) de San Zeno, à Vérone, et Le Baptême du Christ de Piero della Francesca nous introduisent à ce qui va suivre.

Il y a là deux indices très forts rappelant la primauté absolue de l’intemporel, de l’authentique, sur les artifices des  bateleurs de l’Art.

Les textes, oserai-je les articles, sont brefs, ajustés, presque des notes parfois.

L’écriture économe s’approche curieusement de l’économie picturale de G. Morandi, qui avec très peu montre l’essentiel. Qui fait resplendir la pauvreté. (Ph. Jaccottet parle très bien de lui, comme de Giacometti, comme de tous les artistes suisses attirés par la Drôme et Grignan)

Avec une constante subtilité, Jaccottet nous parle de la peinture (ce qu’elle provoque, ce dont elle est l’occasion), et non de peinture (la technique). C’est parfait, c’est avant tout de cela qu’il convient. Il aime ce dont il parle, il aime ceux dont il parle. Il découvre, avec une joie curieuse de tout ce qu’il rencontre. Loin, très loin, des pédanteries savantes.

Plus que de peinture, de photographie, de sculpture, c’est de mode de vie, de relation au monde, d’attention au détail, d’amitié,  de connivence, qu’il s’agit.

L’art, la relation avec des artistes, stimulants majeurs !

Un livre délectable. De plus en plus rare.

 

[1] Philippe Jaccottet, Bonjour, Monsieur Courbet, La Dogana/Le Bruit du temps, 160 p., 39 €

Artistes, amis, en vrac
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S
Pas dissous, mis sous ! Parmi les inventions diaboliquement stupides de la connerie numérique, le correcteur orthographique tient décidément le pompon, visiblement sans la moindre intention de le lâcher.
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S
Je ne l'ai encore que feuilleté, mais je me le garde au chaud et le couve d'un œil attentif et plein d'espoir. Merci, Jean, de me l'avoir dissous le nez lors de mon dernier passage !
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